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Mât du chien de mer de Skidegate 1978

Mât du chien de mer de Skidegate, 1978

Bill Reid, Skidegate Dogfish Pole (Mât du chien de mer de Skidegate), 1978
Cèdre, 2500 cm (hauteur)

Haida Heritage Centre at Kay Llnagaay, Skidegate, Haïda Gwaii

Le 9 juin 1978, le Mât du chien de mer de Bill Reid, un mât de façade de maison, est érigé conjointement à l’ouverture de la longue maison du bureau du Conseil de bande de Skidegate à Kay Llnagaay (Sea Lion Town), Haida Gwaii. Il comporte plusieurs créatures haïdas légendaires : l’ours grizzly, la mère ourse et ses petits; le corbeau (Xhuuya) et la grenouille; Nanasimgit secourant son épouse des épaulards; la mère chien de mer; et les trois gardiens traditionnels. Le mât est un cadeau de l’artiste à la communauté d’enfance de sa mère et reflète l’énergie importante qu’il commence à investir à la fin des années 1970 dans des projets qui, espère-t-il, renforceront la société haïda.

 

Pendant les étés de 1976 et 1977, Bill Reid vit à Kay Llnagaay. Il travaille d’abord seul, mais est éventuellement aidé par de nombreuses personnes. Guujaaw (né en 1953), maintenant un chef héréditaire très important, est la « machine de l’autre côté » de Reid, suivant ce que celui-ci fait du côté gauche du mât pour le reproduire du côté droit. D’autres sculpteurs les aident : Robert Davidson (Guud San Glans, né en 1946) crée les lignes figuratives sur les ailes et les nageoires du mât, l’artiste nuu-chah-nulth Joe David (né en 1946) sculpte un des oursons et, quand un dentiste nommé Dean Nomura vient les voir, Reid le fait travailler sur les dents de l’ourson. Pour Guujaaw, « Le mât du chien de mer se démarque comme un excellent mât en raison du respect de la tradition ainsi que d’une profonde compréhension et d’une application consciente et délibérée de la convention […], de la règle ».

 

L’érection du Mât du chien de mer de Skidegate et les préparatifs pour la cérémonie transforment la communauté. L’Ancienne et activiste haïda GwaaGanad (Diane Brown) participe à l’organisation et se rappelle avec émotion de cette époque : « Ce mât nous a rassemblés dans la culture. [Un mât] n’avait pas été érigé à Skidegate depuis près de cent ans. » De nombreux Anciens haïdas, tels que Hazel Stevens, sont consultés pour recueillir des renseignements et s’informer sur les protocoles. Un potlatch de deux jours est planifié, nécessitant la préparation de cadeaux et de plats. On coud des tenues cérémonielles (regalia) jour et nuit et on consulte les Anciens pour savoir quoi poser sur les couvertures. Terri-Lynn Williams-Davidson apprend des chansons en écoutant des cassettes de sa grand-mère; ensuite, avec sa mère, Mabel Williams, elle monte une troupe de danse avec des enfants. Wesley Pearson et Philip Gladstone se portent volontaires pour ériger le mât. « Il y a donc eu beaucoup de conversations avec nombre d’aînés pour que ce soit bien fait », conclut GwaaGanad; « Ça nous a mis davantage en lien avec nos ancêtres par notre façon de faire. Nous en voulions plus, c’était un important renouveau. »

 

 

Selon Doris Shadbolt (1918-2003), en érigeant Mât du chien de mer de Skidegate, Reid rappelle à la communauté la vérité vivante du mythe selon laquelle le « temps mythique est le temps réel ». L’artiste remarque que ce qu’il a fait « a peut-être ramené le village dans le temps ». Du point de vue de GwaaGanad, Reid a mis de l’avant et renouvelé un sens des responsabilités : « Bill nous a fait réfléchir et faire plus de recherches que nous en aurions faites s’il n’avait pas été là, afin que nous fassions bien les choses. » Pourtant, selon la perspective de la communauté, « c’est le mât et les gens qui ont ramené Reid ». L’artiste ressent un profond sentiment d’appartenance alors que la Nation haïda se transforme de l’intérieur.

 

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