La carriole de M. Collins au studio Notman, rue Bleury 1868-1869

William Notman, La carriole de M. Collins au studio Notman, rue Bleury, Montréal, 1868-1869

William Notman, La carriole de M. Collins au studio Notman, rue Bleury, Montréal, 1868-1869
Sels d’argent sur papier monté sur papier, papier albuminé, 12,7 x 17,78 cm
Musée McCord

Réaliser des photographies en plein air est difficile et malcommode, surtout en hiver. Il faut préparer à l’intérieur un négatif au collodion humide sur plaque de verre, sortir vite dans la rue, faire l’exposition, puis se dépêcher à rentrer pour le développer avant que l’émulsion ne sèche. Mais Notman juge que ça en vaut la peine. Les clients posent devant son studio, sous le fronton, « Photographe de la reine ». Le traîneau ajoute un symbole de classe et une touche canadienne à l’image.

 

Art Canada Institute, William Notman, Mr. A. Collins, 1869
William Notman, M. A. Collins, Montréal, 1869, sels d’argent sur papier monté sur papier, papier albuminé, 17,8 x 12,7 cm, Musée McCord.

À la fin des années 1860 et au début des années 1870, M. Collins pose plusieurs fois pour Notman. Une suite de portraits en studio réalisés au même moment le montre comme en homme jeune habillé confortablement, la moustache impressionnante, la raie des cheveux bien nette, avec nœud papillon à petits pois et canne de marche. Ses portraits en studio sont très sombres et le représentent, décontracté, dans un fauteuil bas, entouré de lourdes draperies et de meubles victoriens. L’effet n’a vraiment rien d’officiel, il est plutôt lourd et solennel. Chapeau et gants ont été jetés sur un canapé à proximité, mais ils sont toujours inclus dans l’image, leur présence sous le coussin soulignée pour l’objectif. Collins s’efforce de paraître à l’aise, même s’il semble s’enorgueillir étrangement de sa pose.

 

Il est intéressant de considérer le portrait en plein air dans le cadre de la relation que Notman entretient avec Collins et plusieurs de ses modèles. Le nombre d’exemples provenant des archives semble indiquer qu’il devient très populaire, voire à la mode, de faire faire un portrait d’hiver à l’extérieur du studio de Notman. Tout comme les photos en studio, cette scène extérieure est soigneusement conçue pour projeter la réussite bourgeoise. Les poses dans les photos en plein air sont particulièrement rigides; le manque d’appuie-tête n’aide pas. L’étalage de traîneaux, de fourrures et de serviteurs est plus ostentatoire que les petits détails d’habillement et de posture que Notman prépare dans ses scènes en studio. Dans les scènes extérieures, l’absence d’un solide point focal laisse le regard errer sur les alentours. Tant Notman que ses modèles n’y voyaient peut-être pas de problème. Peut-être que le foyer de l’image est le titre, « Photographe de la reine ». Ensemble, modèle et photographe construisent soigneusement leur persona de professionnels urbains raisonnablement à l’aise.

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