La chasse au caribou, le coup de chance 1866

William Notman, La chasse au caribou, le coup de chance, Montréal, 1866

William Notman, La chasse au caribou, le coup de chance, Montréal, 1866
Sels d’argent sur papier monté sur papier, papier albuminé, 12,3 x 8,6 cm
Musée McCord

Les scènes d’hiver, recréées en studio, sont à l’origine d’une grande partie de la renommée et du succès financier de Notman à son époque. Plus tard, elles seront largement tournées en dérision. Ce sont, bien sûr, des illusions. La « neige » tourbillonne de manière impossible. L’espace est peu profond et l’arrière-plan est, de toute évidence, peint. La lumière est trop uniforme et l’adrénaline que ferait circuler une chasse au caribou interdirait aux personnages de tenir une pose aussi calme. (Notman utilise alors un appareil photo dont le temps d’exposition aurait nécessité l’emploi d’appuie-têtes pour garder les modèles immobiles.)

 

Art Canada Institute, William Notman, Lovell’s Group of Children Skating in Costume, 1867
William Notman, Enfants Lovell patinant en costumes, Montréal, 1867, plaque de verre au collodion humide, 17 x 12 cm, Musée McCord.

Notman est très fier de ses innovations dans la photographie de genre et prépare une salle spéciale dans son studio dans le but d’expérimenter. Son équipe d’artistes et lui créent des bancs de neige autour des chasseurs en gonflant de la laine d’agneau et en la photographiant légèrement hors foyer. Pour imiter la neige qui tombe, ils vaporisent de la peinture blanche sur les négatifs sur plaque de verre. L’une des innovations les plus célèbres de Notman, et qui sera éventuellement brevetée, est la plaque de zinc poli au point d’imiter la glace, prête pour les patineurs. Une autre image de la série de la chasse au caribou montre un feu de camp créé par une fusée éclairante au magnésium — une technique d’éclairage que Notman utilise à de multiples fins, puisque le studio fonctionne sans électricité.

 

Habiles, tous ces trucs visuels ont pour but de créer des illusions momentanées qui donnent aux spectateurs l’impression du réel. Edward L. Wilson, éditeur de l’influente revue, Philadelphia Photographer, présente cette image sur la couverture du numéro de mai 1866 et s’extasie : « La nature a été captée — non pas endormie —, mais vivante! Le plein air est ramené à l’intérieur avec les éléments. […] Nous n’avons jamais rien vu d’aussi réussi et conforme à la nature, sans être la nature en soi. Oh! la photographie a tout un avenir! »

 

La série sur la chasse au caribou est une commande de William Rhodes, un officier militaire britannique établi au Canada, qui deviendra propriétaire terrien et politicien prospère. La série se compose de neuf photographies représentant Rhodes, son fils et leurs guides hurons. Dans cette scène, Rhodes accroupi, attend le caribou, tout en étant discrètement conseillé par son guide autochtone (joué ici par l’un des employés de Notman). Rhodes et son équipe utilisent leurs propres vêtements et équipements afin de rendre ces portraits thématiques aussi vrais que possible.

 

Nous rappelant que le naturalisme est toujours une illusion associée à un contexte historique, ces images sont décrites par les spectateurs de l’époque comme merveilleusement vivantes. Notman les soumet à plusieurs revues et à des expositions, notamment à l’Exposition universelle de Paris de 1867, où elles gagnent des prix. Du point de vue thématique, elles offrent une vue séduisante de l’expérience canadienne, remplie d’aventures et de gentils guides indiens. Rhodes a collaboré avec Notman pour créer cette vision plutôt héroïque de lui-même au sein du paysage canadien. Heureusement pour Notman, c’est une image qui intéresse beaucoup et il en vend des exemplaires en plusieurs grandeurs.

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