Durant ses onze années en Nouvelle-France (1664-1675), le prêtre jésuite et illustrateur du dix-septième siècle Louis Nicolas (1634-après 1700) a beaucoup voyagé, parcourant le territoire de la pointe extrême ouest du Lac Supérieur à Sept-Îles, au Québec, et de Trois-Rivières jusqu’en territoire iroquois, au sud du Lac Ontario, sans compter ses nombreuses visites à Québec. Si tous ses voyages lui avaient été imposés par ses supérieurs, un de ses périples qu’il situait en « Virginie » (au sud du lac Érié) semble bien avoir été issu de sa propre initiative. 

 

Louis Nicolas, Carte de la « Manitounie », Codex canadensis, s. d.

Louis Nicolas, Carte de la « Manitounie »Codex canadensis, s.d.
Encre sur papier, 33,7 x 43,2 cm, Gilcrease Museum, Tulsa, Oklahoma. La carte décrit la région du Mississipi.

Les jésuites sont en Nouvelle-France à partir de 1611 avec pour mission de convertir les Autochtones à la foi chrétienne. La première mission où Nicolas fut assigné se trouvait dans la baie de Chagouamigon, à l’extrême sud-ouest du lac Supérieur. Le 4 août 1667, le père Claude Allouez était revenu à Sillery de la mission du Saint-Esprit de Chagouamigon pour recruter quelques ouvriers et un missionnaire capable de parler l’algonquin. Nicolas fut choisi. Le voyage ne fut pas facile. Marie de l’Incarnation, la fondatrice des ursulines au Canada, a raconté que leurs guides autochtones, qu’elle appelle « ces barbares », ne voulant pas être trop chargés « les reprirent dans leurs barques, mais sans provisions ni commodités ».

 

Carte montrant la distribution des missions de Louis Nicolas.

Carte montrant la distribution des missions de Louis Nicolas.

Allouez laissa Nicolas en charge de la mission de Chagouamigon et continua seul le voyage jusqu’à la baie des Puants (Green Bay) sur le lac Michigan, où il fonda la mission de Saint-François-Xavier. Chagouamigon était en territoire outaouais, relevant des Algonquins du nord et un centre commercial important, créant autant d’occasions de rencontrer les peuples environnants. Comme tel, c’était un endroit idéal pour une mission. Louis Nicolas y trouvera prétexte à se documenter sur les Sioux, par exemple. L’œuvre Roy de La grande Nation des Nadouessiouek en fait foi. La pesche des Sauvages met aussi en scène des Sioux et leur technique de pêche. Nicolas voyagea beaucoup autour de cette base. En plus du « portrait » du chef des Sioux, son œuvre majeure, le Codex canadensis, montre le chef des Illinois, des Mascoutens et des Amikoueks, rencontrés autour du lac Huron ou plus au nord.

 

Louis Nicolas, Roy de La grande Nation des Nadouessiouek, s. d.

Louis Nicolas, Roy de La grande Nation des Nadouessiouek, Codex canadensis, page 8, s.d.
Encre sur papier, 33,7 x 21,6 cm, Gilcrease Museum, Tulsa, Oklahoma

Après à peine une année passée à la mission du Saint-Esprit, Louis Nicolas revient à Québec, probablement à cause de son tempérament coléreux et sa vanité. Antoine Alet, secrétaire de Monsieur Gabriel de Queylus, supérieur des Sulpiciens de Montréal, rapporte que le chef algonquin Kinonché se plaignait d’avoir été battu à coup de bâton par Nicolas, sans considération pour son rang. Nicolas s’était aussi vanté qu’en arrivant à Montréal, il allait célébrer la messe vêtu d’or et d’argent, preuve du respect qu’on lui portait. Quand les sulpiciens apprirent de Kinonché lui-même les vantardises de Nicolas, ils lui refusèrent de dire la messe. 

 

Louis Nicolas, Figure du Soleil, Codex canadensis, page 4, s. d.

Louis Nicolas, Figure du SoleilCodex canadensis, page 4, s.d.
Encre sur papier, 33,7 x 21,6 cm, Gilcrease Museum, Tulsa, Oklahoma

Louis Nicolas avait certainement la passion du travail missionnaire, mais son enthousiasme pour l’histoire naturelle et les voyages de même que ses manières grossières ont conduit ses supérieurs à juger qu’il ne rencontrait pas les standards d’un bon missionnaire. Il faut dire que le fait qu’il se soit mis à élever deux oursons à Sillery, avec l’idée de les présenter comme des « curiosités » au roi Louis XIV lui-même, n’aida pas sa cause. Il fut renvoyé en France en 1675.

 

Louis Nicolas, Le siffleur, Codex canadensis, page 29, s. d.

Louis Nicolas, Le siffleurCodex canadensis, page 29, s.d.
Encre sur papier, 33,7 x 21,6 cm, Gilcrease Museum, Tulsa, Oklahoma

Cet essai est extrait de Louis Nicolas : sa vie et son œuvre par François-Marc Gagnon.

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