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Androgynie 1983

Norval Morrisseau, Androgynie, 1983

Norval Morrisseau, Androgynie (Androgyny), 1983
Acrylique sur toile, 366 x 610 cm
Collection d’art autochtone du ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, Gatineau, Québec

Androgynie impressionne non seulement par ses couleurs intenses et son format, mais aussi par son intention et son imagerie complexe. Cette toile monumentale reflète la conception personnelle que Morrisseau se fait de l’interconnexion de la vie et explore sa vision de l’identité sexuelle. Au centre de cet univers cosmique se trouve un dôme circonscrit par les ailes tendues de l’Oiseau-Tonnerre. Celui-ci est accompagné au cœur de ce monde par d’autres esprits, ou manitous, qui représentent la force vitale de tous les êtres vivants, notamment le serpent qui émerge du monde souterrain pour rejoindre le monde spirituel. Autour de ce centre se trouvent des tortues, des rats musqués, des grenouilles, des poissons, des oiseaux, des papillons, des arbres, ainsi que des hommes, des femmes et des enfants; tous ces êtres figurent dans de nombreuses œuvres de Morrisseau.

 

Dans la tradition anishinabée, une offrande ou un cadeau est souvent offert pour créer des liens, rendre hommage ou demander de l’aide. C’est possiblement afin d’exprimer sa vision d’un Canada uni que Morrisseau peint cette murale qu’il offrira au peuple canadien dans un geste décolonisateur de réconciliation, appuyant ainsi l’affirmation de l’artiste et conservateur Gerald McMaster, selon qui « la plus grande contribution [de Morrisseau] au milieu de l’art a été de donner une voix à l’art et à la culture anishinabés ». Dans une lettre adressée au bureau du premier ministre d’alors, Pierre Eliott Trudeau, Morrisseau décrit ainsi le don qu’il prévoit effectuer : « Le thème de la murale est un chaman androgyne orienté dans les quatre directions, qui regorge d’éléments de la nature canadienne, des êtres de tonnerre, des serpents et des tortues sacrés, des fleurs, des animaux et nous, enfants de la Terre-Mère. P.S. Des papillons et des bourdons aussi! » Morrisseau espère qu’en acceptant cette offrande, le gouvernement s’engagera à faire du Canada un lieu accueillant et solidaire pour tous ses peuples.

 

Art Canada Institute, Norval Morrisseau, The Right Honourable Michaëlle Jean, twenty-seventh Governor General of Canada (2005–10), with Morrisseau's daughters Lisa and Victoria
La gouverneure générale Michaëlle Jean en compagnie des filles de Norval Morrisseau, Lisa et Victoria, lors de l’installation d’Androgynie, 1983, à Rideau Hall, Ottawa, en 2008.

En avril 1983, Androgynie est installé dans le vaste hall du ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada à Gatineau, Québec, où le tableau demeurera, largement oublié, jusqu’en 2006, alors que le Musée des beaux-arts du Canada décide de le présenter dans une rétrospective consacrée à l’artiste. Occupant un mur entier de l’exposition, Androgynie fascine les spectateurs et s’avère l’une des pièces les plus appréciées de l’exposition.

 

L’attention suscitée par le tableau durant la rétrospective incite la gouverneure générale de l’époque, Michaëlle Jean, à le faire installer dans la salle de réception de sa résidence officielle, Rideau Hall. Cette année-là, le premier ministre Stephen Harper choisit l’œuvre comme toile de fond lors du dévoilement de son cabinet. Les photos de presse de cet événement montrent le Premier ministre et son cabinet se tenant devant l’oeuvre que Morrisseau a offert au peuple canadien. Aujourd’hui reconnu par les critiques et les historiens de l’art comme une œuvre majeure de l’art canadien, Androgynie rappelle à la population le lien indissoluble forgé par cet important échange de cadeaux.

 

 

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