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Sans titre (Promenade), 1949

Sans titre (Promenade)

Jean Paul Riopelle, Sans titre (Promenade), 1949
Huile sur toile, 81,1 x 100,1 cm

© Succession Jean Paul Riopelle / SOCAN (2019)
Musée d’art contemporain de Montréal

La période 1949-1950 peut être considérée comme celle où Riopelle abandonne le pinceau pour la spatule et où il commence la création de ce qui allait devenir ses œuvres les plus emblématiques. Il appelait son outil préféré « couteau » (le terme est probablement inspiré de l’anglais palette knife). Toutefois, dans Sans titre (Promenade), il se peut que certaines touches aient été faites avec un large pinceau dans une composition dont les éléments picturaux ont été comparés aux tessères d’une mosaïque ancienne. Cette comparaison n’est pas complètement satisfaisante, car la mosaïque, qu’elle soit figurative ou décorative, suit une idée préconçue généralement exprimée par un dessin préalable. Influencé par l’automatisme et l’avant-garde française, Riopelle procède au contraire directement sur sa toile, sans idées préétablies, dessin, ou étude. L’œuvre se construit pour ainsi dire sous ses yeux, sans programme prévu d’avance. Il s’agit là du principe phare de ce style : procéder sans savoir et aboutir à des résultats inédits.

 

Jean Paul Riopelle, Sans titre (Composition, 1947), 1947, plume et encre noire avec lavis d’encre de couleur sur papier vélin, 22,8 x 30,5 cm. © Succession Jean Paul Riopelle / SOCAN (2019). Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

Une autre particularité doit nous retenir dans Sans titre (Promenade) : l’abondance des filaments blancs ou noirs qui viennent strier la surface de l’œuvre. Comme dans ses aquarelles de la même période, telle que Sans titre (Composition, 1947), 1947, Riopelle distribue des taches de couleurs après quoi il trace un réseau de lignes d’un bout à l’autre du canevas. Cet effet est obtenu par le maniement d’un bâton trempé dans la peinture. Toutefois, si Sans titre (Promenade) semble similaire aux fameuses peintures de dégoulinures (dripping) du peintre américain Jackson Pollock (1912-1956), il ne faut pas perdre de vue que la toile sur laquelle travaille Riopelle est posée à la verticale sur un chevalet alors que les toiles de Pollock sont posées à plat, sur le sol. En dépit de la parenté de cette œuvre avec celles du maître de l’expressionnisme abstrait américain, les lignes de Riopelle ne sont pas des dégoulinures. Elles sont plutôt les traces libres de l’automatisme, investies dans le moment, tout en s’inscrivant dans la tradition millénaire de la peinture de chevalet.

 

Beaucoup d’œuvres de Riopelle de 1949 et du début des années 1950 présentent des lignes dont la fonction semble être celle d’orienter le regard. Dans Sans titre (Promenade) l’œil glisse sur la surface surtout vers la droite, mais aussi, à moindre titre, vers la gauche, où les lignes forment une sorte de V irrégulier au milieu de la toile. En dirigeant le regard, ces lignes introduisent donc une sorte de mouvement dans l’œuvre, le mouvement même de sa lecture. Peut-être que le titre de l’œuvre suggère la « promenade » que l’œil est invité à faire, ou encore celle de l’artiste qui, dans sa création, voyage à travers et dans le tableau.

 

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