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Sans titre (Scène pastorale), v.1940

Sans titre (Scène pastorale)

Jean Paul Riopelle, Sans titre (Scène pastorale), v.1940
Huile sur carton, 23,3 x 30,6 cm

© Succession Jean Paul Riopelle / SOCAN (2019)
Musée des beaux-arts de Montréal

Cette œuvre de jeunesse de Jean Paul Riopelle, figurant une scène campagnarde, n’a rien des peintures pour lesquelles il deviendra célèbre, mais s’apparente beaucoup à l’art de son professeur, Henri Bisson (1900-1973). Il n’en demeure pas moins que Sans titre (Scène pastorale) est importante parce qu’elle révèle comment Riopelle a commencé à peindre. Les traces d’une mise au carreau sont visibles en bas à gauche de la composition, première étape entreprise par l’artiste dans la création de l’œuvre : le dessin d’une grille de traits verticaux et horizontaux sillonnant la surface cartonnée. La technique en est une que le jeune Riopelle – il est adolescent lorsqu’il peint cette œuvre – a apprise chez Bisson. 

 

Bisson enseigne à ses élèves à copier des reproductions d’œuvres largement diffusées, des illustrations, parfois même ses propres œuvres, comme en témoigne Sans titre (Scène pastorale). En outre, le Musée des beaux-arts de Montréal a récemment fait l’acquisition de petits tableaux peints par Riopelle dans le goût de Bisson, comme Sans titre (Paysage d’hiver), v.1941. Lorsqu’on le questionne sur ces premières œuvres en 1963, il affirme leur trouver peu de mérite artistique et ajoute : « J’ai fait de la peinture super-académique! On copiait dans des catalogues. Aux impressionnistes, on passait vite. Je trouvais ça affreux ! ».

 

Jean Paul Riopelle, Mont-Royal, v.1943, huile sur toile marouflée sur carton, 30,4 x 35,7 cm. © Succession Jean Paul Riopelle / SOCAN (2019). Musée des beaux-arts de Montréal.
Jean Paul Riopelle, Sans titre (Paysage d’hiver), v.1941, huile sur toile cartonnée, 45,5 x 60,8 cm. © Succession Jean Paul Riopelle / SOCAN (2019). Musée des beaux-arts de Montréal.

Environ trois ans après Sans titre (Scène pastorale), Riopelle créé Mont-Royal, v.1943, une vue d’une maison d’un quartier avoisinant de Montréal. Bisson favorise l’apprentissage par la copie : un « substitut » à la nature, une reproduction du sujet jugée fidèle, pouvait tout aussi bien faire l’affaire dans la conception d’une œuvre. Toutefois, tel que Riopelle l’affirme à un journaliste de Toronto en 1964, « quand nous travaillions à partir de reproductions, s’il nous arrivait de tomber sur un tableau impressionniste reproduit dans un livre, mon professeur murmurait « c’est mauvais », et nous passions à autre chose ».

 

Pourquoi Bisson a-t-il trouvé les impressionnistes si « mauvais »? Précisément parce qu’ils ne s’en sont pas tenus à la seule nature, ils ont interprété leur motif, chacun à leur manière, et n’ont pas peint strictement ce qu’ils voyaient, mais ce qu’ils sentaient. Leurs œuvres, invariablement subjectives, laissent voir la personnalité de chacun. Il est impossible de confondre un Pierre-Auguste Renoir (1841-1919) avec un Paul Cézanne (1839-1906), même quand ils peignaient exactement le même motif, au même endroit et en même temps.

 

En définitive, Riopelle ne s’en est pas tenu aux techniques apprises chez Bisson, pas plus qu’il n’a eu à cœur de reproduire le style réaliste et très académique de son maître, comme il le fait dans Sans titre (Scène pastorale). Il est surtout connu comme un peintre tantôt abstrait, tantôt figuratif, mais toujours inventif et détaché de ses modèles.

 

 

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