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Femme au bord de la mer 1930

Prudence Heward, Femme au bord de la mer, 1930

Prudence Heward, Femme au bord de la mer (The Bather), 1930
Huile sur toile, 162,1 x 106,3 cm
Art Gallery of Windsor

Femme au bord de la mer (The Bather) est probablement le tableau de Prudence Heward qui, de son vivant, suscite le plus de controverse. Il témoigne de son engagement à représenter des sujets féminins avec un regard implacable et non idéalisé. L’identité du sujet est inconnue, puisque son nom ne figure pas dans le titre, et nous ignorons si la peintre connaît personnellement cette femme ou s’il s’agit d’un simple modèle.

 

Contrairement à bon nombre de tableaux de Prudence Heward salués par la critique dès leur création, cette œuvre fait l’objet de commentaires acerbes. À la différence des sujets dans Les baigneuses (The Bathers), 1937, de l’artiste montréalais Edwin Holgate (1892-1977), qui ignorent le spectateur, le modèle de Heward à la pose décontractée et au dos voûté a les yeux tournés vers nous.

Art Canada Institute, Satirical cartoons criticizing works from the Canadian Group of Painters exhibition at the Art Gallery of Toronto in 1933
Caricatures critiquant les œuvres présentées à l’Exposition du Canadian Group of Painters à l’Art Gallery of Toronto en 1933, publiées dans le Toronto Evening Telegram du 25 novembre 1933. L’auteur écrit au sujet de l’œuvre de Heward : « Même La femme au bord de la mer a donné faim à l’artiste. Il pensait qu’il s’agissait d’une cuisinière qui regardait pousser des feuilles de laitue avec fourchettes, cuillers et le reste. »

 

Peint en 1930, Femme au bord de la mer n’est dévoilé au public que trois ans plus tard dans le cadre de l’Exposition du Canadian Group of Painters à l’Art Gallery of Toronto (aujourd’hui le Musée des beaux-arts de l’Ontario). Dans une critique, Robert Ayre décrit la « baigneuse énergique aux traits grossiers » de Heward et prédit que « l’école du beau n’aimera pas […] la baigneuse de Prudence Heward, et le combat contre les réactions va de l’avant ».

 

Ayre et d’autres critiques ont tendance à donner Femme au bord de la mer pour exemple de l’orientation moderniste de Groupe, ce qui n’est pas forcément un compliment. Lorsqu’ils sont confrontés au modernisme européen à l’occasion du célèbre Armory Show de New York en 1913, de nombreux critiques canadiens ont une réaction hostile et certains doutent encore de la pertinence de ce mouvement au début des années 1930.

 

Dans une illustration satirique intitulée An Artist Draws His Impressions of ‘Expressionist’ Art [Artiste dessinant ses impressions de l’art « expressionniste »] publiée le 25 novembre 1933 dans le Toronto Evening Telegram, on aperçoit plusieurs tableaux caricaturés, dont Femme au bord de la mer. L’expression de la baigneuse de Prudence Heward a été modifiée pour exprimer la surprise ravie à la vue d’une « laitue » (accompagnée d’ustensiles) à ses pieds, tandis que les grosses formations rocheuses sont transformées en assiettes cassées. Le dessin est accompagné de ce texte : « Even ‘The Bather’ made the artist hungry. He thought it was a cook watching a salad sprout with forks, spoons and all! » [Même La femme au bord de la mer a donné faim à l’artiste. Il pensait qu’il s’agissait d’une cuisinière qui regardait pousser des feuilles de laitue avec fourchettes, cuillers et le reste.].

 

Cette parodie tente, sans succès, de gommer le sérieux et l’attention que Prudence Heward a déployés pour peindre son modèle. En présentant un sujet féminin de race blanche, non idéalisé, Prudence Heward trouble les spectateurs de son époque, et réalise une œuvre qui bouscule la conception de la façon dont les femmes doivent être représentées au début du vingtième siècle dans l’art canadien.

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