Deux bleus, deux gris 1976

Yves Gaucher, Deux bleus, deux gris, 1976

Yves Gaucher, Deux bleus, deux gris, 1976 
Acrylique sur toile, 152,4 x 213,4 cm
Musée des beaux-arts de Montréal, © Succession Yves Gaucher / SODRAC (2015)

Deux bleus, deux gris confirme la nouvelle direction de la peinture de Gaucher. Comme le titre l’indique, le tableau est composé de quatre bandes horizontales de couleurs différentes, deux bleus et deux gris, dont la valeur et les dimensions varient. En fait, ces quatre couleurs se combinent mal; pour que le tableau forme un tout magnifique, il faut la volonté d’un héros.

 

Pour s’extirper de la série des Tableaux gris de 1967-1969, Gaucher doit repenser les principes de sa peinture, « tout faire exploser et penser — ramasser les morceaux et les examiner un à un, conserver ce qui en vaut la peine, rejeter ce qui n’en vaut plus la peine et recommencer. » Les tableaux qui émergent en 1971 sont composés de bandes horizontales de gris divers, où sont tracées de fines lignes blanches qui épousent la largeur du tableau. Étape par étape durant les années qui suivent, le nombre de lignes blanches diminue, puis disparaît. Les gris pâles sont remplacés par des teintes plus intenses. Deux bleus, deux gris, du point de vue de sa taille et de l’apparente simplicité de sa construction, est le chef-d’œuvre de cette phase du travail de Gaucher.

 

Art Canada Institute, Ellsworth Kelly, Nine Squares, 1976–77
Ellsworth Kelly, Neuf carrés, 1976-1977, sérigraphie et lithographie sur papier, 103 x 103 cm, collection du Tate, Londres.

L’artiste ne se concentre plus sur l’orchestration d’un mouvement dynamique dispersé, mais tente d’accorder les tensions créées par les vastes plages de couleur opposées aux valeurs et aux dimensions inégales. Gaucher compose ce genre de tableaux en exécutant une série de mouvements successifs, jonglant avec ses variables. La modification de la couleur ou de la teinte d’une seule bande entraîne celles des trois autres, chacune évaluée et réévaluée, — il essaie souvent diverses solutions sur du papier ou de petites toiles —, jusqu’à l’obtention d’une peinture parfaitement « accordée » et chaque bande en harmonie avec le tout.

 

Dans des tableaux comme Deux bleus, deux gris, Gaucher s’intéresse non pas à l’assertion des couleurs individuelles, mais à la manière dont elles se comportent quand elles dialoguent. En cela, il diffère de l’Américain Ellsworth Kelly (né en 1923), dont le travail durant cette période vise davantage l’individualité des couleurs. S’il s’agit d’une mise en contiguïté de bandes de couleur, d’arêtes nettes et de surfaces propres et uniformes, alors le collègue le plus proche de Gaucher est son camarade artiste montréalais, Guido Molinari (1933-2004), qui a fait de la peinture à bandes de couleur sa marque au début des années 1960. Mais Molinari égalise la largeur de ses bandes verticales, neutralisant la forme. En ne le faisant pas, Gaucher conserve la forme comme contenant de la couleur et maintient alors le jeu constant du contenant et du contenu.

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