Autoportrait s.d.

Zacharie Vincent, Autoportrait, s.d.

Zacharie Vincent, Autoportrait, s.d.

Huile sur papier, 62,5 x 53 cm

Musée de la civilisation, Québec

Dans cet autoportrait prégnant, Vincent se présente dans une pose en majesté, se détachant du fond neutre et sombre qui crée un effet repoussoir. Ses attributs vestimentaires et ornementaux témoignent de son statut de chef. La couronne en argent avec sa croix de Malte est ornée de plumes d’autruche rougeâtres, dont les courbes attirent le regard du spectateur vers le visage. L’artiste ajoute quelques ornements protocolaires et du décor plus élaboré : une cocarde tricolore est attachée à la couronne, Vincent tient un calumet au tuyau tricolore et décoré de perles, et des rubans rouges garnissent les brassards et bracelets d’argent.

 

La couronne d’argent, les pendants d’oreilles, les brassards en argent et la broche sont mis en valeur et se détachent du vêtement sombre et de l’arrière-plan. Ces parures dérivent bien souvent des ornements traditionnels adaptés aux objets coloniaux : par exemple, les broches d’argent étaient traditionnellement fabriquées avec des coquillages.

 

The heraldic badge of Edward, Prince of Wales, also known as the three feathers.
La couronne que porte Vincent dans cet autoportrait, avec ses plumes d’autruche et sa croix de Malte, présente une ressemblance indéniable avec l’insigne royal du prince de Galles.

Tout comme la médaille de la reine Victoria, la hache-calumet et la ceinture fléchée, ces éléments témoignent à la fois de l’adaptation et de l’acculturation de la communauté huronne, des alliances contractées avec les allochtones, ainsi que des échanges culturels et commerciaux qui se sont opérés depuis les premiers contacts. D’un autoportrait à l’autre, Vincent reproduit sensiblement les mêmes éléments. Cette monstration coïncide, à l’époque, avec la transformation de l’iconographie du sujet autochtone dont le corps nu ou vêtu de peaux est remplacé par une figure arborant des ornements protocolaires. L’intégration progressive de ces éléments issus de l’Europe complexifie les relations politiques que les Hurons entretiennent avec les marchands et les colons, suivant une dynamique de négociations.

 

À l’époque, les dignitaires hurons considéraient à l’époque les instances britanniques comme des alliés et des égaux; l’émulation et l’adaptation de certains ornements et tenues issus de cette culture témoignent de cette relation. Vincent expose ici son appartenance à la lignée des chefs. La ressemblance entre sa coiffe, ornée de plumes d’autruche et d’une croix de Malte, et l’emblème du prince de Galles est frappante. En vertu de l’alliance politique séculaire qui unit la communauté huronne et la Couronne britannique, Vincent aurait rendu hommage, à travers cet autoportrait, à l’héritier du trône britannique, le jeune prince qui avait visité le Canada en 1860 et qui deviendra plus tard Édouard VII. À travers son autoportrait, Vincent s’inscrit dans la tradition hagiographique des héros politiques et culturels, qui s’élargit à l’époque, en Amérique, pour inclure les portraits d’autochtones exemplaires, comme Joseph Brant et Tecumseh.

 

L’œuvre est vendue au Séminaire de Québec le 2 décembre 1878 pour cinq dollars, sans doute pour financer le voyage que l’artiste entreprend à Montréal, quelques semaines plus tard, en janivier  1879.

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