Licorne de la mer rouge s. d.

Louis Nicolas, Licorne de la mer rouge, s. d.

Louis Nicolas, Licorne de la mer rouge, s. d.

Encre sur papier, 33,7 x 21,6 cm

Codex canadensis, page 27

Gilcrease Museum, Tulsa, Oklahoma

La section sur les animaux dans le Codex s’ouvre sur une extraordinaire représentation d’un tigre et d’une licorne mythologique. Curieusement, l’image de la licorne est divisée en deux, chaque partie marquée par A et B. Nicolas avait-il mal calculé son espace et s’attendait-il à ce que ses lecteurs joignissent les deux parties de l’animal comme dans un jeu d’enfants? Le tigre apparaît entre les deux moitiés de la licorne et est couvert de taches plutôt que rayé. On n’était pas familier en Europe avec le tigre. Par exemple, l’animal que Montaigne décrit comme un « tigre » dans une ménagerie à Florence était probablement plutôt un léopard ou un ocelot. Louis Nicolas était persuadé de l’existence des licornes et prétendait en avoir vue une tuée au Canada. Pourtant, il savait bien que ni le tigre ni la licorne n’étaient issus du Nouveau Monde. Pourquoi introduire ces animaux dans un album sur la Nouvelle-France?

 

Art Canada Institute, Louis Nicolas, Sea Horse That Is Seen in the Meadows Along the Chisedek . . . (Cheval Marin quon voit dans les preries du bord du fleuve de chisedek . . .), Codex Canadensis
Louis Nicolas, Cheval Marin quon voit dans les preries du bord du fleuve de chisedek […]Codex canadensis, page 40, s. d., encre sur papier, 33,7 x 21,6 cm, Gilcrease Museum, Tulsa, Oklahoma.

Nicolas aimait commencer ou finir une section par une image « digne d’être montrée », autrement dit par un « monstre » au premier sens du mot (qui dérive de monstrare, montrer), sans se soucier s’il s’agissait d’une espèce indigène en Amérique. Pour la section qui porte sur les mammifères, la licorne joue le même rôle que la fleur de la passion (passiflora) qui clôt la section sur les plantes. Même si cette plante ne pousse pas au Canada, elle a une signification religieuse, symbolisant la passion du Christ. Il se peut que Nicolas ait partagé la croyance de son temps sur l’existence des licornes, inspirée par les dents de narval que les Scandinaves vendaient comme d’authentiques cornes de licornes en Europe, leur attribuant des vertus pharmaceutiques par surcroît.

 

Il est toutefois assez paradoxal, comme le fait Nicolas, de prendre la licorne pour exemple de la primauté de l’observation directe sur l’information purement livresque! Elle suffirait à confondre « les gens de cabinet » qui ne croient pas à l’existence des licornes simplement pour n’avoir jamais perdu de vue le clocher de leur paroisse. Louis Nicolas écrit, en effet, ce qui suit dans son Histoire naturelle des Indes occidentales : 
 

Je ne sçay que dire de l’effroyable erreur qui c’et glissée parmy même force gens de cabinet qui d’ailleurs sont fort sçavans : mais qui n’ayant rien veu des choses admirables que la nature produit par ce qu’ils n’ont jamais perdu de veue le clocher de leur paroisse, et qui ne sçavent presque pas sans demander, le chemin de la place Mauber ou de la place royalle, ces sortes de personnes, dis je, s’attachent avec une opiniatreté Blamable a dire qu’il ny a point De licorne en aucun endroit du monde.

 

Dans les dix pages extrêmement chargées qui suivent la page 27, Louis Nicolas a dessiné soixante-sept mammifères, ou « animaux terrestres à quatre pieds », comme il le dit, classifiés selon leur taille, des plus petits aux plus grands.

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