Étude de torse ou No 14 1942

Paul-Émile Borduas, Étude de torse ou No 14, 1942

Paul-Émile Borduas, Étude de torse ou No 14, 1942

Gouache sur papier, 57 x 41,8 cm

Collection privée

Ce tableau est un bon exemple d’une première œuvre automatiste : exécutée d’une façon non préconçue. Borduas ne s’est pas dit : « Je vais peindre le torse d’une femme. » Il y a vu le sujet un coup l’œuvre finie. Il s’agit de l’une des 45 gouaches exposées dans l’Ermitage, une salle d’exposition et dépendance du Collège de Montréal, au 3510, chemin de la Côte-des-Neiges, à Montréal. Ces œuvres jugées alors « surréalistes » et très « abstraites » n’ont pu trouver aucun autre lieu d’exposition. Elles sont longtemps titrées Abstraction et numérotées, même si elles ne sont désignées que par un numéro et un titre littéraire (s’il y a lieu) dans les papiers de Borduas.

 

Borduas explaining Study for Torso or No. 14, 1942, to Henri Girard and Charles Doyon in April–May 1942
Borduas avec Henri Girard et Charles Doyon devant Étude de torse, 1942, à l’occasion du vernissage de l’exposition à l’Ermitage, avril-mai 1942.

Aujourd’hui, ses gouaches sont faciles à lire, mais en 1942 elles donnent quelques fils à retordre à deux critiques, Henri Girard et Charles Doyon, pourtant ouverts à l’« art moderne ». Des photos prises à l’exposition montrent en effet ces deux personnages devant Étude de torse, accompagnés de Borduas. Ce n’est qu’après les explications de l’artiste qu’ils comprennent l’œuvre. Borduas est convaincu que l’exposition de multiples œuvres d’un seul artiste est préférable au faible impact des expositions collectives qui se contentent de montrer une seule œuvre par artiste. Borduas est cité dans Canadian Art en évoquant l’expérience des gouaches exposées à l’Ermitage :

 

Mes convictions remontent à l’expérience suivante. En 1942, après la série des gouaches automatiques que je faisais voir volontiers aux amis, je dus constater le même comportement, de l’Européen le mieux formé au Canadien le plus ignorant, seule une différence de tempo se signalait. Du début de la quatrième ou cinquième gouache, mes amis regardent sans voir, sans possibilité de communier à la moindre réalité plastique. Cette possibilité n’apparaissait qu’entre la cinquième et la dixième œuvre, selon le spectateur, et pour tous, la communion devenait plus vibrante jusqu’à la fin. Ne peignant que par vagues successives, à chacune des séries nouvelles, depuis 1942, les mêmes constatations se sont imposées.

 

Alors que certaines gouaches (comme La Machine à coudre ou No 1) adoptent le format de la nature morte, Étude de torse ou No 14 adopte celui du personnage en pied, sinon du portrait. Autrement dit, les formules de composition (à l’horizontale et à la verticale) reflètent les formats pratiqués par Borduas plus tôt, dans ses œuvres figuratives. L’inconscient est de l’ancien conscient! On pourrait se demander si ce n’est pas à propos d’une œuvre de ce genre que Charles Doyon propose l’idée d’une « période ondulatoire » dans la production de Borduas. Toutefois, le terme n’est pas retenu.

 

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