Asagao 1961

Yves Gaucher, Asagao, 1961

Yves Gaucher, Asagao, 1961
Eau-forte et cuivre martelé sur papiers laminés, 35/40, 48,7 x 34 cm
Musée d’art contemporain de Montréal, © Succession Yves Gaucher / SODRAC (2015)

Au début des années 1960, l’iconographie de Gaucher est vaguement représentative; les formes dans les estampes comme Asagao ressemblent à des dalles, qui parfois se chevauchent ou, comme dans Sgana, 1962, flottent librement sur fond blanc. Ces estampes sont faites de multiples plaques irrégulières, de sorte que les images individuelles deviennent des formes autonomes s’élevant au-dessus de la surface du papier. En l’absence de coups de planche, la surface du papier ne se prête à aucune autre interprétation qu’elle-même.

 

Au départ, Gaucher s’inscrit à l’École des beaux-arts de Montréal en 1954 pour étudier la peinture. Au milieu des années 1950, l’automatisme reste le style prépondérant de l’avant-garde picturale. Toutefois, l’adhésion des Automatistes à la spontanéité du geste le rend mal à l’aise, car elle donne beaucoup trop de liberté. Un tableau, se souvient-il, peut changer d’un coup de pinceau. En revanche, la gravure procède par une suite d’étapes beaucoup plus logique qui « [lui] permet de réfléchir et de modifier ses décisions. »

 

Art Canada Institute, Yves Gaucher, Sgana, 1962
Yves Gaucher, Sgana, 1962, eau-forte en couleurs avec martelage sur papier laminé, 41,5 x 57,3 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa, © Succession Yves Gaucher / SODRAC (2015).

Vers la fin de 1958 et au début de 1959, en étudiant un manuel de gravure qu’il s’est acheté, Gaucher commence à explorer les techniques à l’eau-forte des grands maîtres. L’eau-forte traditionnelle lui paraît bientôt limitée et il élargit ses recherches, altérant ou vieillissant de plus en plus ses plaques, souvent avec violence; il passe au relief et emploie une combinaison de plaques positives-négatives pour obtenir des éléments convexes et concaves. Ses estampes du début des années 1960 sont remarquables par leurs techniques novatrices d’impression en relief, qui exigent un papier si épais et si fort que Gaucher en vient à coller deux feuilles de papier Arches — le laminage, l’application de la couleur et l’impression étant maintenant effectués en un seul processus.

 

Dans ces premières estampes, rien ne suggère la géométrisation à venir. Toutefois, dans Sgana, Gaucher tire soudainement en relief une brève ligne droite près du haut de la feuille, une troublante incursion géométrique dans ce monde par ailleurs presque organique. Parallèle aux côtés de la feuille de papier, la ligne est une mesure de la matérialité objective du format rectangulaire de l’estampe. Dans la prochaine suite de gravures, Gaucher accorde une place de plus en plus dominante à la structure géométrique jusqu’à ce qu’il l’adopte pleinement dans sa suite fondatrice, En hommage à Webern, 1963, prenant ainsi sa place parmi les plasticiens, ce groupe d’artistes montréalais.

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