Châteaux en Espagne v.1896

Châteaux en Espagne

Mary Hiester Reid, Castles in Spain (Châteaux en Espagne), v.1896
Huile sur toile, 53,7 x 137,8 cm
Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto

Châteaux en Espagne est l’une des rares peintures murales connues de Hiester Reid et témoigne de sa capacité à travailler en grand format. Comme l’indique son titre, cette œuvre dépeint les impressions et souvenirs de son voyage en Espagne de 1896. Les prouesses artistiques de cette œuvre expliquent peut-être pourquoi son mari, l’artiste George Agnew Reid (1860-1947), l’a accrochée à Upland Cottage, leur résidence de Wychwood Park à Toronto.

 

Photographie de The Spirit of the Humber (L’esprit de la vallée Humber), v.1913
Photographie de The Spirit of the Humber (L’esprit de la vallée Humber), v.1913, par Mary Hiester Reid, murale de l’hôtel de ville de Weston, aujourd’hui perdue. Cette photographie d’un fragment de la murale est l’un des rares documents visuels en témoignant qui subsiste à ce jour.

Lorsque les Reid se se rendent en Europe en 1896, ils visitent Gibraltar et l’Espagne, un voyage dont Hiester Reid parle dans une série de trois articles publiés dans le Massey’s Magazine de Toronto. Dans le premier article, publié en mai 1896, la peintre raconte ses rencontres à Grenade, une ville du sud de l’Andalousie espagnole, et comment divers habitants lui ont proposé de poser pour elle et son mari. Plus tard, elle écrit : « Nous avons trouvé que [Grenade] était agréable à la mi-février, et pas trop froide pour l’esquisse en plein air. Il est facile d’obtenir l’autorisation de peindre, et je ne connais aucune autre ville en Espagne où un artiste pourrait passer un aussi bref sejour de façon plus fructueuse. » Mary et George ont tous deux dessiné longuement au cours du voyage de 1896, ce qu’elle mentionne à maintes reprises dans les trois articles du Massey’s Magazine. Châteaux en Espagne représente l’apogée, en peinture, de ces études dessinées.

Dans ce triptyque (une œuvre composée de trois panneaux), Hiester Reid réussit à représenter un espace tridimensionnel en un paysage grandiose, avec des formes décroissantes obtenues par une fine couche de peinture. Les arbres au premier plan, situés dans les panneaux de gauche et de droite, semblent beaucoup plus grands que ceux du milieu et de l’arrière-plan du panneau central, et les formes les plus petites — celles les plus éloignées dans le plan de l’image, au centre de l’œuvre — sont portées à l’attention du spectateur par le titre de l’œuvre.

 

La peinture murale est très différente de la peinture de chevalet en ce sens que les murales sont généralement de plus grande dimension et sont destinées à être fixées de façon permanente au mur d’une structure architecturale tel celui d’un bâtiment municipal, commercial, religieux ou privé. Le sujet de l’œuvre est généralement lié au mandat de l’architecture à laquelle il est attaché. Cette œuvre particulière témoigne de l’engagement de Hiester Reid et de son mari envers le mouvement Arts and Crafts au Canada : Upland Cottage, là où l’œuvre est accrochée, est une maison de style Arts and Crafts. George Reid a peint plusieurs murales, dont celles du Jarvis Collegiate Institute (1929-1930) et du Musée royal de l’Ontario (1935-1938), tous deux situés à Toronto. Il a également été l’un des membres fondateurs de la Society of Mural Decorators, lancée en 1894. Le travail de Reid dans le domaine de la décoration murale découle de son intérêt pour William Morris (1834-1896), l’un des principaux partisans du mouvement Arts and Crafts britannique, pour qui l’architecture est au cœur de l’art. Ainsi, tous les éléments d’un bâtiment doivent être conçus de manière à ce que l’ensemble des composantes puisse fonctionner comme une œuvre d’art complète.

 

George Reid devient vice-président de la Arts and Crafts Society in Canada, fondée à Toronto en 1902. Dans les premières expositions de la société, il combine ses œuvres picturales et architecturales à son travail de conception de meubles : en plus de ses décorations murales, il présente des meubles tels qu’un piano qu’il conçoit et peint avec des panneaux décoratifs. En fin de compte, toutes les peintures murales des Reid ont uni les beaux-arts et les arts appliqués, la peinture et l’architecture, ce qui constitue un principe fondateur du mouvement Arts and Crafts.
 

George Agnew Reid travaillant à ses peintures murales pour la Earl’s court Library (aujourd’hui une succursale de la Toronto Public Library) à Toronto
George Agnew Reid travaillant à ses peintures murales pour la Earl’s court Library (aujourd’hui une succursale de la Toronto Public Library) à Toronto, photographe inconnu.

Bien que George Reid ait réalisé des murales qui sont encore en vue partout à Toronto, comme Hail to the Pioneers (Saluons les pionniers), 1887-1889, dans l’ancien hôtel de ville (à l’origine les bâtiments municipaux de Toronto), des trois murales que Mary Hiester Reid réalise au cours de sa carrière, seule Châteaux en Espagne est exposée aujourd’hui. En 1913, elle peint Autumn (Automne), que l’on accroche à l’époque à l’hôtel de ville de Weston, en Ontario (qui fait maintenant partie de Toronto) et qui dépeint le paysage local de la vallée Humber. Malheureusement, la toile s’est perdue à travers le temps. L’artiste accepte également une commande de murale privée, réalisant Enchanted Castle (Château enchanté) pour Mme Agar Adamson de Port Credit, en Ontario, œuvre qui sera d’ailleurs présentée au sein de l’exposition rétrospective de 1922. Fait notable, cette exposition posthume réunira également un certain nombre d’esquisses et de plans pour d’autres décorations murales, répertoriés dans le catalogue de l’exposition sous la rubrique « Peintures de décorations murales — DU STUDIO ». Hiester Reid pensait peut-être réaliser d’autres projets de murales, mais elle n’a pas été en mesure de les terminer pour des raisons inconnues.

 

 

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