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L’heure mauve 1921

Ozias Leduc, L’heure mauve, 1921

Ozias Leduc, L’heure mauve, 1921

Huile sur toile, 92,4 x 76,8 cm

Musée des beaux-arts de Montréal

Leduc se concentre sur le détail d’une branche de chêne tombée dans la neige. Les tons laiteux dominent la composition structurée par les formes complexes de la branche d’un gris brunâtre et par les traits visibles du pinceau qui inscrivent leur propre mouvement sur la surface. Le format imposant de la toile détourne le sujet vu d’aussi près; nul doute que le regard photographique qui isole des détails joue un rôle dans le fait de cadrer ainsi ce fragment naturel.

 

Ozias Leduc, Neige dorée, 1916, huile sur toile, 137,8 x 77,2 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. La vie organique de la montagne évolue vers son sommet quasi inaccessible, le Pain de sucre, qui domine le mont Saint-Hilaire.

L’organisation de la surface est fermée sur trois côtés par la disposition de la branche et ouverte sur le bas par le mouvement de la neige qui semble glisser hors du tableau, comme une chute poursuivant sa course. Celle-ci prend sa source dans le centre supérieur de la toile, dans le croisement des branches. Elle est ceinte de part et d’autre par ce qui semble être une palissade sur la droite et une échelle sur la gauche. En effet, les branches se conforment à des motifs identifiables, comme ce cercle qui prend la forme d’une couronne placée au bas de l’échelle.

 

Cinq ans après avoir complété un cycle de paysages symbolistes (1913-1916), dont Pommes vertes, 1914-1915, Leduc revient sur ce genre avec L’heure mauve, une composition qui en sera le point d’orgue et en quelque sorte la synthèse. Les recherches au plan formel (point de vue, perspective), plastique (la couleur et son application) et iconographique (choix du sujet) trouvent ici leur expression la plus mystérieuse. L’artiste choisit un plan encore plus rapproché que dans Cumulus bleu, 1913, et un espace fermé, comme dans Fin du jour, 1913. La nature emprunte souvent les formes du modèle que constitue mont Saint-Hilaire. Dans Cumulus bleu les éléments, tronc déchiqueté, ramure renversée qui se prolonge dans la forme d’un nuage clair annonçant la fin de la tempête, ferment le plan du tableau. Dans Fin du jour, l’escarpement joue un rôle comparable, soit celui de transformer le plan du tableau en une surface d’expérimentation de la couleur et des textures. La peinture s’affirme par cette surface bidimensionnelle, l’art s’exprime par le mouvement d’ascension de cette voie picturale.

 

L’heure mauve réfère au moment de transition entre le jour et le soir. Après la journée de travail vient un moment de répit, un temps de repos pour apprécier l’instant qui passe, réfléchir et méditer. Un moment entre l’action et le repos, zone de transition où le corps et l’esprit glissent dans un autre état et accueillent les résultats de la journée. La lumière moins vive du soleil déclinant enveloppe les formes, les modifie et les charge de mystère. Le chêne solide qui conserve ses feuilles pendant tout l’hiver est symbole de la continuité et de la permanence. Sa chute annonce le renouveau dans un cycle continu de la mort à la vie.
 

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