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Tempête de grêle en Alberta 1961

William Kurelek, Tempête de grêle en Alberta, 1961

William Kurelek, Hailstorm in Alberta (Tempête de grêle en Alberta), 1961

Huile sur panneau de composition, 69,3 x 48,2 cm

Museum of Modern Art, New York

En 1961, le groupe de bénévoles Women’s Committee of the Art Gallery of Toronto (maintenant Musée des beaux-arts de l’Ontario), invite Alfred H. Barr Jr. à choisir un tableau d’un artiste contemporain canadien pour la collection permanente du Museum of Modern Art (MoMA) à New York. On s’attend à ce que Barr, directeur des collections au MoMA et autorité mondialement reconnue en matière de cubisme et de postimpressionnisme, choisisse une œuvre parmi celles créées par le nombre croissant d’artistes modernes abstraits, tels que Harold Town (1924-1990), Gordon Rayner (1935-2010) ou Graham Coughtry (1931-1999), l’ancien camarade de classe de Kurelek au Ontario College of Art. Or, Barr sélectionne Tempête de grêle en Alberta, 1961. Kurelek soumet au MoMA la description suivante de cette œuvre : « Un souvenir personnel tiré du récit de mon père. J’étais un enfant me cachant dans la maison avec ma mère lorsque cette tempête de grêle a éclaté, et je me souviens tout juste de ma mère mettant des oreillers sur toutes les fenêtres et de mon ravissement devant les différentes tailles des grêlons quand le soleil a réapparu ». À l’insu de Kurelek, son représentant Avrom Isaacs avait proposé un tableau pour la considération de Barr. Pour Kurelek, l’acquisition du MoMA a renforcé son estime de soi, qui avait déjà commencé à s’améliorer à la suite du succès de sa première exposition solo à la Galerie Isaacs moins d’un an auparavant.

 

Art Canada Institute, William Kurelek,
Pieter Bruegel, La moisson, 1565, huile sur bois, 119 x 162 cm, Metropolitan Museum of Art, New York.

Cette peinture est de plus l’un des premiers exemples notoires de l’habileté de Kurelek à créer une imagerie résistant aux interprétations réductrices de son travail vu parfois comme simple souvenir anecdotique, voire un peu humoristique, d’une enfance dans l’Ouest canadien. Que ce soient des représentations d’inondation ou de feu, de blizzard ou de sécheresse, l’ambivalence du monde naturel envers les vies et valeurs des êtres humains est un thème crucial dans l’œuvre plus tardive de Kurelek. Si la beauté de la nature l’inspire, Kurelek souligne néanmoins son impersonalité afin que son œuvre ne puisse pas être lue comme une célébration du panthéisme; le Dieu catholique de Kurelek est le créateur du monde naturel, et non une de ses manifestations.

 

Ainsi, Tempête de grêle en Alberta s’inscrit dans la foulée des artistes de la Renaissance nordique pour qui les environnements locaux soulignaient l’immanence de Dieu dans le monde vécu. Ce tableau est particulièrement redevable aux œuvres de Bruegel que Kurelek avait vues lors de ses visites de musées d’art européens en 1952. On reconnaît immédiatement la perspective à la fois dure et sympathique de Bruegel à l’égard de l’humanité imparfaite dans ce que Kurelek a décrit comme « l’aspect naïf, terreux, non classique, presque brutal » de son style pictural, et dans la figure centrale affalée, vulnérable et difforme.

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