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Alberta IV : Matin d’hiver 1961

Marion Nicoll, Alberta IV : Matin d’hiver, 1961

Marion Nicoll, Alberta IV: Winter Morning (Alberta IV : Matin d’hiver), 1961
Huile sur toile, 99 x 116,8 cm
Collection privée, Calgary

Peint à Calgary après son retour de New York et d’Europe, le tableau Alberta IV : Matin d’hiver est l’une des premières interprétations du paysage de l’Alberta dans le nouveau vocabulaire abstrait de Marion Nicoll. Bien que son point de départ demeure le monde observable, ses nouvelles œuvres ne ressemblent en rien aux paysages naturalistes qu’elle peignait auparavant. Son titre nous renseigne sur le moment où elle a été inspirée : une froide journée d’hiver où le soleil du petit matin offre une chaleur éphémère. Ce jeu complexe et audacieux de couleurs primaires et secondaires (rouge, bleu et jaune contre vert, orange et violet) permet d’équilibrer les effets chauds et froids tout en créant une planéité totale.

 

Wassily Kandinsky, Farbstudie – Quadrate mit konzentrischen Ringen (Étude de couleurs – carrés avec cercles concentriques), 1913, aquarelle, gouache et craie sur papier, 23,9 x 31,5 cm, Städtische Galerie im Lenbachhaus und Kunstbau, Munich.

Les choix de Nicoll sont mûrement réfléchis. Elle est extrêmement habile et instruite en matière de théorie des couleurs, y compris leurs effets symboliques et émotionnels potentiels. Ses connaissances sont façonnées par les théories modernes, depuis les mécanismes psychologiques de la couleur, auxquels adhère Wassily Kandinsky (1866-1944), jusqu’aux analyses de la valeur, de la teinte et de la saturation soutenues par Albert H. Munsell (1858-1918). Nicoll explique que « le jaune est la couleur la plus facile à voir, le rouge vient ensuite, le bleu est flou… le jaune attire l’attention, le rouge envoie un signal… le rouge et le jaune se concentrent à l’intérieur de l’œil… et le bleu à l’extérieur de l’œil, ce qui lui donne un aspect confus ».

 

Se remémorant aussi ce qu’elle a appris de son professeur Alfred Crocker Leighton (1900-1965), elle se souvient : « Nous devions obtenir chaque degré possible de clair/obscur et de chaud/froid, non pas en faisant correspondre la couleur, mais en faisant correspondre la chaleur ou le froid et la lumière ou l’obscurité […] Je connais le ton de chaque couleur que je regarde et je m’en sers dans la peinture abstraite. » Nicoll se rappelle sans doute aussi l’appel de Leighton en faveur d’un vocabulaire distinct pour peindre l’Alberta, la prévenant : « Je ne peindrai pas ce pays […] moi qui ai été formé à l’anglaise […] il sera peint par quelqu’un qui est né ici. »

 

Alberta IV : Matin d’hiver est l’une des œuvres les plus grandes et les plus frappantes de la série Alberta, amorcée en 1960. Cette série est le projet le plus ambitieux de Nicoll puisqu’il comporte quatorze tableaux. Il s’avère difficile de comprendre la place qu’occupe Alberta IV : Matin d’hiver dans cet ensemble, car aucune des œuvres qui le composent n’est conservée dans une collection publique. Certaines sont impossibles à localiser et les images photographiques ne sont pas toujours disponibles. De plus, au fil des ans, les titres ont également été confondus, et ce tableau ne fait pas exception. Alberta IV : Matin d’hiver a été recensé sous au moins trois titres différents depuis qu’il a été porté à la connaissance du public, des erreurs qui ne proviennent probablement pas de l’artiste.

 

Après la rétrospective de Nicoll en 1975, Alberta IV : Matin d’hiver passe aux mains de particuliers. L’œuvre est ensuite prêtée aux principales expositions ultérieures de l’artiste, dont la plus récente, la rétrospective de 2013. Le journal de peinture de Nicoll, dans lequel elle documente le contenu de la série Alberta, donne un bon aperçu de la cohésion qu’elle a donnée au projet. Ses sous-titres indiquent la topographie, la végétation, le climat, les heures de la journée et les changements de saison ayant inspiré la série. Le projet incarne un retour aux sources pour Nicoll après une expérience vitale à New York et en Europe.

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