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Batik v.1950

Marion Nicoll, Batik, v.1950

Marion Nicoll, Batik, v.1950
Colorant azoïque sur soie, 100 x 92,5 cm
Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa

C’est lorsqu’elle étudie à l’Ontario College of Art (OCA, aujourd’hui l’Université de l’ÉADO) de Toronto que Marion Nicoll s’initie au procédé du batik, qui consiste à peindre sur de la soie, ou un autre tissus, avec de la cire. Cette œuvre sans titre est exemplaire de la pratique de l’automatisme dans la création de batiks chez Nicoll, qui représente des sujets fantaisistes et autres formes organiques et linéaires libres. Un personnage dansant domine la composition; il donne à penser à un clown arborant chaussures de fantaisie et pantalon bouffant, dont le corps est surmonté d’une tête d’oiseau couronnée d’un chapeau tubulaire. Cet élément représentationnel est placé sur un fond composé de lignes verticales répétitives, semblables à des cordes, qui s’étendent pour former un motif horizontal.  Le pantalon de la figure est orné de motifs ovoïdes et circulaires qui invitent à des interprétations allant des coquillages aux bulles en passant par les étoiles.

 

Duncan Grant, West Wind (Vent d’ouest), 1932, tissu d’ameublement en rayonne et coton sérigraphié, 375,9 x 121,9 cm, Victoria and Albert Museum, Londres.
Jock Macdonald, Batik, 1951, colorant azoïque sur coton, 95,5 x 96,5 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

Après avoir appris les rudiments du travail sur tissu à Toronto, Nicoll continue de développer ses compétences en suivant des cours, en 1937-1938, auprès des artistes céramistes et textiles Dora Billington (1890-1968) et Duncan Grant (1885-1978) à la Central School of Arts and Crafts de Londres, en Angleterre. Lorsqu’elle retourne à Calgary en juin 1938, en pleine dépression économique, ses batiks deviennent une source de revenus, alors qu’elle vend des foulards par l’intermédiaire d’un marchand local. Dans ses cours de textile au Provincial Institute of Technology and Art (PITA), Nicoll enseigne également la méthode javanaise ancienne de batik préchrétienne, jusqu’à sa retraite en 1966. Elle explique que ses batiks peuvent servir de « tapisseries, de décorations murales, de foulards, de rideaux, de portraits et de chemins de table ». Elle les expose comme des œuvres d’art abouties et les considère avec autant d’importance que son travail pictural.

 

Nicoll a été largement admirée dans tout le Canada pour son travail du batik, et ce, en partie grâce au soutien du gouvernement de l’Alberta qui a assuré la publication de son manuel pratique Batik (1953). Par ses œuvres, elle gagne aussi le respect de son collègue et ami Jock Macdonald (1897-1960) qui lui demande de lui montrer comment les fabriquer à l’été 1951. Jennifer Salahub, spécialiste d’arts décoratifs et d’artisanat, observe à juste titre que cet événement concrétise « un moment d’enseignement réciproque » puisque c’est Macdonald qui l’a initié à l’automatisme quelques années auparavant.

 

Macdonald a tant d’estime pour cette production de Nicoll que Batik se retrouvera dans sa collection personnelle et celle de son épouse, Barbara Macdonald. Cette histoire et cette filiation remettent en question le récit voulant que l’évolution artistique de Nicoll repose sur une lignée d’influences masculines. Loin de là, l’artiste a plutôt transmis ses connaissances à des dizaines d’artistes et d’élèves tout en ressuscitant une pratique considérée comme secondaire dans l’art contemporain de son temps dominé par la peinture et la sculpture.

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