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Le modèle de jeudi 1959

Marion Nicoll, Le modèle de jeudi, 1959

Marion Nicoll, Thursday’s Model (Le modèle de jeudi), 12 mars 1959
Huile sur toile, 92 x 51,1 cm
Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa

Le modèle de jeudi est formé de seulement quatre couleurs : deux grandes zones de formes rouges et blanches, et deux plus petites, un cercle jaune et un fin rectangle noir. Dans ce tableau, Marion Nicoll réduit le monde observable à sa plus simple expression. De septembre 1958 à avril 1959, alors qu’elle étudie à la Art Students League de New York, la technique de Nicoll évolue de l’automatisme à l’abstraction hard-edge. Dans Le modèle de jeudi, créé le 12 mars 1959 pendant l’un de ses derniers cours de l’année scolaire, elle parvient à réaliser un plan d’image en aplat, sans profondeur spatiale, en créant un champ visuel dominé par la couleur et la forme.

 

Son coup de pinceau est très contrôlé dans Le modèle de jeudi pour créer des formes et des plages de couleur distinctes, aux arêtes nettes – ce qui constitue un important écart par rapport à ses précédents paysages à l’huile, aux formes entremêlées au sein de compositions texturées. L’objectif est plutôt ici de rendre les coups de pinceau presque invisibles à l’œil : Nicoll appuie donc le pinceau à plat contre la surface à peindre. Aux antipodes de l’approche empruntée pour ses premières peintures de figures et ses portraits, ce processus ne considère le sujet que comme un point de départ dans sa recherche d’un vocabulaire moderne qu’elle appellera plus tard « abstractions classiques ». Il s’agit d’une importante transition vers une nouvelle méthode, nourrie par les expériences vitales de son séjour à New York. Elle a l’occasion d’y poursuivre ses études auprès de Will Barnet (1911-2012) et de voir, en personne, des œuvres de Mark Rothko (1903-1970) et d’Hans Hofmann (1880-1966).

 

Marion Nicoll, Esquisse sans titre pour la brochure M.Nicoll ’59, v.1959, mine de plomb sur papier, 16 x 24 cm, Archives du Glenbow Museum, Calgary.

Le modèle de jeudi occupe une place importante dans la carrière de Nicoll, car elle figure parmi les vingt œuvres formant sa première exposition individuelle, titrée M.Nicoll ’59 et inaugurée le 7 décembre 1959 au Provincial Institute of Technology and Art (PITA), à Calgary, après son année passée à New York et en Europe. Un dessin préliminaire des Archives du Glenbow Museum confirme que Nicoll a conçu sa propre brochure pour accompagner l’exposition et que Le modèle de jeudi a servi d’image de couverture représentant sa nouvelle production. L’exposition lui vaut des commentaires positifs de la part de critiques locaux, qui soulignent l’austérité de ses moyens et la netteté de ses formes.

 

Le fait de présenter une exposition individuelle dans sa ville natale est déjà un honneur et une réussite importante, mais l’événement suscite suffisamment d’intérêt pour entraîner sa présentation inédite dans deux autres lieux à proximité en 1960 : à l’hôtel de ville de Bowness, dans le quartier de Nicoll, et au Calgary Allied Arts Centre, dans le centre-ville. Cette exposition constitue la première expérience du public de Calgary avec le style international de la peinture hard-edge, qui fonde une grande partie de la réputation de Nicoll par la suite. Ses tableaux abstraits ne sont plus des exercices privés d’atelier, comme l’avaient été ses œuvres automatiques; désormais, ses compositions hard-edge représentent sa voix en tant qu’artiste.

 

Dans le couple de Nicoll, cependant, le soutien envers sa nouvelle orientation picturale n’est que partiel. Agissant comme porte-parole lors de son exposition à Bowness, son mari et collègue artiste Jim Nicoll (1892-1986) fait la remarque suivante : « Le grand public, conditionné à la peinture naturaliste […], est à juste titre déconcerté, voire irrité, par les écoles de peinture abstraite qui prévalent actuellement. Il est nécessaire de s’efforcer, sans préjugés, de rencontrer l’artiste moderne à mi-chemin et d’essayer de comprendre ses idées et sa vision artistique. » Malgré la réticence de son mari envers l’abstraction, Nicoll se lance dans sa décennie de peinture la plus productive. Comme elle l’a fait avec Jock Macdonald (1897-1960), elle se tourne vers des collègues artistes qui la soutiennent, dont Barnet. Dans un nouvel élan, Nicoll ne revient pas en arrière. Elle tourne ensuite son attention vers son environnement immédiat : les contreforts et les prairies de l’Alberta.

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