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Le lit 1968

Le lit, 1968

Mary Pratt, The Bed (Le lit), 1968
Huile sur toile, 91,4 x 91,4 cm
Collection privée

Un jour, Mary Pratt fait le ménage, passant la vadrouille sur le plancher de la chambre, lorsqu’elle est frappée par la lumière du soleil qui joue sur les draps et les couvertures froissés du lit conjugal. Des années plus tard, elle se souvient encore de l’impact de cette expérience :

 

Il y avait un feu de lumière venant de la rivière — cette merveilleuse lumière qu’on a à l’automne. Le couvre-lit en chenille rouge ruisselait sur le plancher et il y avait cette couverture rose, posée dessus comme un morceau de peau. C’était comme un coup de poing dans le ventre — c’était la chose la plus proche d’une réaction érotique que je pouvais imaginer. Et j’ai pensé : « D’accord. C’est ce que tu peins. » Lorsque ça s’est produit, c’était vraiment comme si toutes les portes et les fenêtres avaient été ouvertes et que le monde s’était précipité sur moi.

 

Christopher Pratt, Woman at a Dresser (Femme à sa coiffeuse), 1964
Christopher Pratt, Woman at a Dresser (Femme à sa coiffeuse), 1964, huile sur panneau dur, 67,2 x 77,5 cm, Collection McMichael d’art canadien, Kleinburg.

Pratt interrompt ses travaux ménagers et va chercher un carnet de croquis pour faire des dessins rapides et des notations de couleurs pour chercher à saisir ce qui l’a frappé si fortement dans la scène. Au cours de la semaine suivante, elle peint ce tableau, premier pas éloquent vers ce qui deviendra son style mature. Son usage du rouge, qui figure en bonne place dans son œuvre ultérieure, rend l’érotisme de la scène saillant. Plus tard, Pratt débusquera cet érotisme dans des sujets en apparence plus inoffensifs tels que les gelées ou les fruits.

 

Le lit est peint avec des coups de pinceau plus lâches que dans ses œuvres plus tardives et il semble flotter dans un espace indifférencié, comme s’il était porté par la douce lumière que saisit Pratt. Cette absence de détails superflus (rien sur les murs, pas de tables de chevet, pas de tapis sur le sol) ne rappelle pas tant le style pour lequel elle sera reconnue que celui de son mari de l’époque, Christopher Pratt (né en 1935) (en particulier, Woman at a Dresser (Femme à sa coiffeuse), 1964, dont Mary a été le modèle).

 

Par contre, son choix pour le lit défait et l’accent qu’elle met sur l’effet de la lumière jouant sur le tissu donnent à penser qu’elle trouve, par cette œuvre, l’approche créative qu’elle allait suivre pour le reste de sa carrière. Le lit, 1968, est un début : Pratt y reconnaît ce qu’elle veut peindre, sans savoir encore comment le capturer tout à fait. « La lumière ne restait pas immobile assez longtemps pour que je puisse l’attraper », se souvient-elle.

 

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