Repas du dimanche 1996

Repas du dimanche est une image simple : une surface de comptoir en bois, un mince plateau d’argent et, au centre, de la chair crue rouge brillant, persillée de gras blanc. Un morceau de bœuf, avant d’être mis au four pour être rôti, représente un moment bref, mais le plus décisif pour prendre conscience qu’un animal est mort, ce pourquoi tout un système de distribution, de valeur et de travail est déployé.

Mary Pratt soutient toujours qu’elle choisit ses images parce qu’elle les trouve personnellement belles. Quelque chose attire son regard et elle en fait une photographie; plus tard, peut-être des mois ou même des années après, elle revient sur une photo et y trouve quelque chose d’autre de beau. Robin Laurence écrit : « Elle condamne les peintres européens qui romancent la nature morte et s’efforce plutôt d’obtenir une qualité dans son travail qu’elle décrit comme une “réalité acerbe”, et qu’elle considère comme particulièrement nord-américaine. » Son sens de cette réalité acerbe se manifeste souvent dans les images de viande et de poisson crus, le sang et l’aspect dégoûtant qui accompagnent la préparation d’un repas. Le sacrifice plane toujours dans son œuvre, car, comme elle le dit si souvent, « il faut faire un sacrifice avant de faire la fête. »

Chez Pratt, cette œuvre est l’une des rares à représenter de la viande rouge crue, les autres déclinaisons étant ses représentations d’un orignal, Service Station (Station-service), 1978, et Dick Marrie’s Moose (L’orignal de Dick Marrie), 1973, qui sont très différentes dans leur composition. La viande crue de Repas du dimanche présente un fini flouté et hors foyer reproduisant celui de la diapositive originale. Le motif du plateau d’argent est typique chez Pratt, tel un signe des valeurs de la classe moyenne qui sont représentées par l’idée même du rôti du dimanche.

La mise en scène de l’œuvre est manifeste, car normalement on ne mettrait pas un plateau d’argent dans le four ni ne découperait un rôti dessus. En fait, cette disposition met en évidence l’accent de communion propre à l’argent, exhibant la viande à la fois comme symbole et objet.