Venus Simultaneous 1962

Michael Snow, Venus Simultaneous, 1962

Michael Snow, Venus Simultaneous, 1962

Huile sur toile et construction en bois, 200,6 x 299,7 x 15,2 cm

Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto

Venus Simultaneous (Vénus simultanées) fait partie de la première génération de ses œuvres de la série Femme qui marche, et, donc, de ses premières années comme peintre et sculpteur. Ce grand corpus est accompagné d’un récit de création fait d’expérimentation et d’intuition. Durant l’année 1955, Snow commence à utiliser comme instrument de dessin un couteau pour fini mat; ses combinaisons de formes découpées et peintes engendrent une série d’œuvres figuratives sur papier (collages). Suit une période d’abstraction, puis Snow reprend cette figure quelque cinq ans plus tard. En 1961, travaillant sur un grand carton, il dessine d’abord un rectangle de 5 pieds (152 cm) de haut; puis il dessine et découpe une figure à l’intérieur : une femme qui marche ou plus précisément, deux femmes qui marchent, une positive et l’autre négative. Cette dualité l’intéresse et l’idée lui vient de travailler avec ces pochoirs, en suivant rigoureusement une série de règles. La première veut que les figures découpées originales servent à faire toutes les œuvres de la Femme qui marche, et ce, sans variation de taille : 5 pieds de haut, mesuré du front à la cheville; 20 pouces (50,8 cm) de large, soit l’espace entre les bras ballants sans mains.

 

Art Canada Institute, Michael Snow, front page of the New York Post, 1962
Première page modifiée du New York Post, 1962, reproduit dans Biographie of the Walking Woman / de la femme qui marche, 2004.

Pour Snow, l’établissement de cette règle est une intuition importante, car elle vient clarifier quelque chose au sujet de l’abstraction. La Femme qui marche n’a jamais été la représentation d’une femme, mais la représentation d’une matrice (modèle ou forme pour la création, parfois qualifiée d’« utérus »). Les dimensions des œuvres (hauteur, largeur ou profondeur) peuvent varier, puisque la figure peut courir d’un bord à l’autre, flotter dans un champ plus vaste, être présentée encadrée (verticalement ou horizontalement), ou pliée, roulée, mise en boîte, étagée ou suspendue. Les combinaisons de figures créent des rapports figure-fond dynamiques. Au fil de la série, Snow brisera la règle de la dimension et la figure, d’abord plate, gagnera parfois en volupté.

 

Classer Venus Simultaneous est difficile même pour son créateur : c’est une peinture, collage, relief et sculpture tout à la fois. Dans cette œuvre, la figure découpée est puissamment mise en valeur, tant en mode négatif que positif, ses entrées et sorties découpant des hauts et des côtés irréguliers; l’épaisseur ou profondeur de l’œuvre provient de la projection d’une figure en dehors de la surface. Au moment de sa création, le critique canadien Arnold Rockman note que les figures semblent habiter différentes sortes d’espaces simultanément : elles vont et viennent dans le champ de vision du spectateur; reculent, se projettent et empiètent sur leurs terrains mutuels, et font irruption dans le monde réel! Une figure n’est rien d’autre qu’un contour. Une autre est stratifiée, un collage. Une autre encore est empâtée jusqu’à présenter une épaisseur sculpturale. Il y a huit variations en tout, sans compter l’ombre projetée de la figure en saillie. Mais il faut la compter, car cette Femme qui marche, d’une minceur impossible et variable à l’infini — créature de lumière —, annonce d’importantes directions dans le travail de Snow.

Télécharger Télécharger