La région centrale 1971

Michael Snow, La région centrale, 1971

Michael Snow, La région centrale, 1971

Film 16 mm, couleur, sonore, 180 min

Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa
 

Art Canada Institute, Michael Snow, La Région Centrale, 1971
Michael Snow, La région centrale, 1971, film 16 mm, couleur, sonore, 180 min, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

Dans sa dixième œuvre filmique, Michael Snow poursuit l’exploration du mouvement de la caméra, qui caractérise son Wavelength primé, 1966-1967, mais avec deux différences importantes. Ses premières œuvres dans cette veine, qui comprennent Standard Time, 1967, et <—> (Back and Forth), 1969, sont créées dans des espaces clos — un loft, un appartement et une salle de classe — et ne comptent qu’un seul mouvement de caméra : le zoom (le changement de la distance focale pour rapprocher le sujet) dans Wavelength; et le panoramique (la caméra pivote sur une ligne horizontale) dans les deux derniers. Le film qui deviendra La région centrale se déroule dans un lieu éloigné qu’il repère au nord de Sept-Îles (Québec).

 

Depuis le sommet d’une montagne, ce paysage cinématographique présente de vastes possibilités et un terrain rocailleux, filmé par une caméra capable de bouger dans toutes les directions, dont tourner, rouler et tournoyer — dans un paysage qui défie les lois de la gravité. Pour parvenir à cet effet dans la nature, Snow conçoit une caméra-machine télécommandée, dont il confie la réalisation à l’ingénieur Pierre Abeloos. La caméra et l’équipe sont déposées par hélicoptère sur la surface de la planète Terre. Snow tourne cinq heures de séquences couleurs brutes dont il tire un film monté de trois heures pour distribution dans les cinémas.

 

La région centrale transporte son public dans un paysage canadien désolé, découvert à midi, puis exploré dans dix-sept épisodes de mouvements étourdissants, tandis que l’ombre de la machine s’allonge, que la nuit tombe et que la lumière revient. La bande sonore, que Snow compose pour un quasi-synthétiseur, évoque les courbes sinusoïdales et les pulsions électroniques qui ont mis la caméra en mouvement, et rehausse la sensation d’être sous l’emprise d’une machine omni-voyante. Vertigineuse, hallucinatoire, l’expérience contribue à définir le sublime technologique.

 

La machine qui active la caméra n’apparaît pas dans le film, sauf à l’occasion, comme une ombre, mais sa beauté mécanique devait être mise en valeur. Snow l’adapte pour en faire l’élément central et la force motrice de la sculpture vidéo cinétique, De La, 1972. La caméra 16 mm est remplacée par un magnétoscope qui transmet un flot continu d’images à quatre moniteurs télé disposés tout autour de l’espace virtuel de la sculpture. Les visiteurs attirés par la beauté de la machine en mouvement deviennent partie de De La, alors que son œil vagabond les capte sur bande et éparpille leurs images aux quatre vents.

 

Michael Snow avec la machine que Pierre Abeloos et lui ont conçue pour le film La région centrale. Joyce Wieland prend cette photo en octobre  1969, le cinquième et dernier jour de la présence de l’équipe au sommet de la montagne dans le nord du Québec où le film est tourné.
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