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Notification xiii 1996

Arnaud Maggs, Notification xiii, 1996

Arnaud Maggs, Notification xiii, détail, 1996, tirage 1998
192 épreuves à développement chromogène (Fujicolor), laminées sur Plexiglas, 323 x 1224 cm (installées)
Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa

Notification xiii se compose de 192 épreuves à développement chromogène, disposées en 8 rangées de 24. Il s’agit de l’une des trois versions d’une œuvre qu’Arnaud Maggs a réalisée à partir d’enveloppes de papier à lettres de deuil de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième siècle qu’il a trouvées dans des marchés aux puces, des boutiques et chez des marchands parisiens. Ces enveloppes encadrées de noir constituent l’expression publique du deuil de l’expéditeur. Notification xiii est un exemple particulièrement poignant pour lequel Maggs recourt à des objets trouvés et à la photographie pour créer une archive visuelle. L’œuvre est représentative de son travail de grand format en couleur, qui documente la conception graphique et les marques de l’âge sur des papiers éphémères trouvés.

 

Arnaud Maggs, Notification xiii, 1996, tirage 1998, 192 épreuves à développement chromogène (Fujicolor), laminées sur Plexiglas, 323 x 1224 cm (installées), installation au Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa, photographie de Laurence Cook.

Disposée en grille, l’œuvre cultive la répétition pour encourager la lecture analytique des enveloppes de deuil. Le schéma qui se dégage de l’installation et sa taille gigantesque entraînent une présence graphique saisissante, amplifiée par la palette limitée et très contrastée de noir, de blanc et de rouge. C’est son œil analytique – son intérêt pour les légères variations de forme – qui a poussé Maggs à collectionner les enveloppes. « J’avais toujours admiré leur design », a-t-il confié au critique d’art Robert Enright, « et puis un jour, dans une boutique, j’en ai trouvé dix… J’ai remarqué qu’elles étaient toutes différentes par de petits détails, et j’ai immédiatement compris que j’avais une pièce ».

 

Maggs récolte autant d’enveloppes de deuil qu’il peut en trouver. Audacieuses et spectaculaires, elles sont un témoignage manifeste de son intérêt pour la forme. Au dos des enveloppes, les bordures noires se rejoignent pour former un X. Comme le fait remarquer Maggs, « pour moi, c’est un signe de rature, un signe que cette personne n’existe plus. Graphiquement parlant, il n’y a rien de plus fort qu’un X ». Les X, poinçonnés sur certaines enveloppes à l’aide de tampons de cire ronds, comme on le voit ici, constituent une représentation visuelle de la mort.

 

Maggs n’a photographié que le dos des enveloppes dans Notification xiii, refusant au spectateur l’accès à leur intégralité. Nous ne pouvons pas voir les noms de l’expéditeur ou du destinataire. « Quelqu’un est mort, mais nous ne pouvons pas savoir qui », remarque l’écrivain Russell Keziere; « L’identité est effacée. » Bien que la présence humaine soit ressentie dans l’œuvre, la photographie la rend anonyme.

 

Les X encadrés de Notification xiii de Maggs attendent d’être remplis par le spectateur. Comme le souligne l’historienne de l’art Sarah Bassnett, l’anonymat de l’œuvre oblige le spectateur à « substituer aux corps absents ses propres êtres chers ». Notification xiii et une œuvre antérieure, Travail des enfants dans l’industrie : les étiquettes, 1994, exploitent toutes deux le papier éphémère comme matériau. Cette dernière tient en une collection d’étiquettes du début du vingtième siècle qui documente le travail des enfants dans l’industrie textile française. Créée à une époque où les pratiques de travail contemporaines dans l’industrie de l’habillement font l’objet d’une surveillance plus étroite, Travail des enfants est une critique politique. Dans cette œuvre et celles de la série Notification, Maggs attire l’attention sur la perte et place le contenu historique trouvé sous des yeux contemporains – telle une recommémoration.

 

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