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Le corbeau découvrant l’humanité dans une coquille de mye 1970

Le corbeau découvrant l’humanité dans une coquille de mye, 1970

Bill Reid, The Raven Discovering Mankind in a Clamshell (Le corbeau découvrant l’humanité dans une coquille de mye), 1970
Buis, 7 x 6,9 cm
Musée d’anthropologie de l’Université de la Colombie-Britannique, Vancouver

L’une des œuvres à grande échelle les plus emblématiques de Bill Reid, The Raven and the First Men (Le corbeau et les premiers hommes), 1980, apparaît pour la première fois comme un petit chef-d’œuvre aux formes abouties, blotti dans la paume de ses mains. En 1970, pendant la période de trois ans où il vit à Montréal, Reid crée Le corbeau découvrant l’humanité dans une coquille de mye, une minuscule sculpture en buis. Dix ans plus tard, la petite œuvre devient monumentale en même temps qu’un phare culturel apprécié du Musée d’anthropologie de l’Université de la Colombie-Britannique à Vancouver. Le récit met au premier plan le corbeau (Xhuuya), le célèbre filou haïda ayant créé l’archipel de Haida Gwaii et ses premiers humains. Bien que de nombreuses versions de ce récit de la création existent alors, l’interprétation de Reid implique un corbeau qui libère des humains d’une mye trouvée sur la plage. Par cette lecture, l’artiste se permet une souplesse créative, affirmant que c’est une « version du mythe du corbeau pour aujourd’hui, pas pour l’époque où il a été créé ». Il voit le corbeau comme un « porteur de changement détaché, totalement égocentrique » qui, « par inadvertance et accident », représente la société individualiste et diversifiée de l’époque actuelle.

 

Le corbeau découvrant l’humanité dans une coquille de mye fait preuve d’un sens de l’humour enjoué. Les personnages qui émergent de la mye affichent une variété d’émotions devant le Nouveau Monde, notamment l’émerveillement, la crainte ou même le rejet. Curieusement, la miniature en buis de Reid comprend une femme humaine, comme l’indique le labret sur sa lèvre, mais ce personnage est absent de l’œuvre monumentale. Celle-ci s’aligne plus exactement sur la version de l’histoire « The Raven and the First Men » présentée par Reid et Robert Bringhurst dans leur ouvrage The Raven Steals the Light, publié en 1984, et dans laquelle les femmes apparaissent plus tard dans le récit.

 

Bill Reid, The Raven and the First Men (Le corbeau et les premiers hommes), 1980, cèdre jaune, lamellé et sculpté, 188 x 192 cm (hauteur x diamètre), Musée d’anthropologie de l’Université de la Colombie-Britannique, Vancouver. Le corbeau et les premiers hommes est une commande du philanthrope Walter C. Koerner pour le nouveau Musée d’anthropologie de l’Université de la Colombie-Britannique à Vancouver. L’architecte Arthur Erickson a conçu un atrium personnalisé sous une rotonde avec puits de lumière pour héberger l’œuvre.

La fabrication de la sculpture à grande échelle Le corbeau et les premiers hommes n’est pas sans problème et son créateur met sept ans à la terminer. Reid demande d’abord 3,05 m3 de cèdre dans lequel sculpter l’œuvre, mais un tel bloc est presque impossible à obtenir, et les imperfections sur les surfaces des plus grands cubes de cèdre les rendent difficiles à utiliser. La solution trouvée consiste à fabriquer un bloc de bois en stratifiant 106 poutres de cèdre jaune pesant plus de 4 000 kg. Étant donné que Reid travaille simultanément sur Skidegate Dogfish Pole (Mât du chien de mer de Skidegate), 1978, et qu’il est aux prises avec la maladie de Parkinson, il doit compter sur de

nombreux assistants pour concrétiser sa vision.

 

Plusieurs jeunes sculpteurs haïdas, tels Reg Davidson (né en 1954), Guujaaw (né en 1953) et Jim Hart (7idansuu, né en 1952) s’y appliquent. Des sculpteurs de Vancouver, qui ne sont pas haïdas, apportent également leur aide. On fait appel à George Norris (1928-2013) dans les premières étapes pour fabriquer un modèle à petite échelle en argile, le mouler dans le plâtre pour ensuite sculpter une version grossière de plus grande taille en bois. George Rammell (né en 1952) intervient dans les dernières étapes et travaille sur les figures émergentes. Vers la fin, Reid apporte les touches de finition.

 

Que ce soit pour la version en miniature ou la monumentale, Bill Reid fait ressortir la puissante trame du récit haïda à travers le corbeau. Son corps trapu et son bec enchanteurs n’atténuent pas son imposante posture alors qu’il surplombe de manière protectrice la mye et ses habitants. Ici, ce héros culturel est aux commandes, et les entreprises humaines de l’art, de l’histoire et de la connaissance relèvent de sa compétence.

 

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