En Télécharger le livre Tous les livres d’art Accueil

Coteau 1954

Coteau, 1954

Kazuo Nakamura, Hillside (Coteau), 1954
Huile sur masonite
59,8 x 78,4 cm
Musée des beaux-arts du Canada

Coteau est l’une des premières œuvres que le Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) a achetées de Kazuo Nakamura en 1955. Cette représentation d’une forêt dense sur le flanc d’une colline est une autre variante stylistique des explorations de l’artiste sur la frontière entre figuration et abstraction, et entre le monde des apparences et sa structure sous-jacente. Coteau combine audacieusement le travail du pinceau observé à l’arrière-plan d’Autumn (Automne), v.1950, et qui reviendra dans certains de ses paysages contemporains, notamment Landscape, Green Hill-side (Paysage, coteau vert), 1954, aux lignes arachnéennes de ses dessins et de la peinture Morning Mist (Brume du matin), 1951.

 

Dans cette composition, Nakamura semble essayer de juxtaposer une application de la couleur en touches rectilignes, s’inspirant sans doute des dernières œuvres de Paul Cézanne (1839-1906) comme La Montagne Sainte-Victoire, 1902-1904, et un trait qui cerne vaguement la couleur. Dans cette peinture, sa palette reste limitée à une très petite gamme de couleurs, principalement le vert, mais aussi un peu de bleu, et comme pour Brume du matin, elle présente une ressemblance frappante avec les verts et les bleus privilégiés par Vincent van Gogh (1853-1890) à la fin de sa carrière. Nakamura, admirateur de Van Gogh, s’est vraisemblablement inspiré de la couleur jaune de sa palette que l’on retrouve dans Coteau.

 

Piet Mondrian, Tableau no 4 / Composition no VIII / Composition 3, 1913, huile sur toile, 95 x 80 cm, Kunstmuseum Den Haag, Pays-Bas.
William Ronald, Untitled (Sans titre), 1954, aquarelle et encre sur papier, 49,5 x 65 cm, collection privée.

Nakamura a mentionné avoir été influencé de façon importante par Piet Mondrian (1872-1944) dans les années 1950. Et, peut-être est-ce une coïncidence si, dans Tableau n° 4 / Composition no VIII / Composition 3, 1913, Mondrian jongle également avec la ligne et la couleur, la première encadrant librement la seconde. Les deux artistes ont volontairement fait évoluer leur art vers l’abstraction, Nakamura en démontrant une progression des périodes impressionniste à postimpressionniste puis cubiste. Mondrian partage cette idée, même si son art est nourri des croyances de la théosophie selon lesquelles le monde matériel céderait la place à une réalité immatérielle et spirituelle. L’art de Nakamura, lui, s’inspire de la science, qui révèle l’ordre géométrique et mathématique sous-jacent de l’univers.

 

Bien que Nakamura soit connu, à ce stade de sa carrière, pour s’inspirer d’artistes européens, il crée Coteau à l’époque où naît le Groupe des Onze, et il est essentiel d’aussi tenir compte de ce contexte. À première vue, Coteau a l’apparence d’une œuvre informelle et gestuelle, ressemblant un peu à ce que créent les autres membres du groupe. Elle est pourtant fortement structurée et contenue, sans l’audace et la fougue de Neon (Néon), 1954-1955, d’Harold Town (1924-1990), ni même du plus discret Untitled (Sans titre), 1954, de William Ronald (1926-1998). Comme le note avec justesse l’auteur Rory Hinton :

 

[Il s’ensuit que] curieusement, cette peinture des débuts prouve que Nakamura est à la fois le plus et le moins abstrait du Groupe des Onze. Il est le moins abstrait parce que, contrairement à ses contemporains abstraits, son travail ne représente pas son paysage psychologique intérieur de peintre. Et pourtant, c’est exactement pour cette raison que son œuvre est la plus abstraite, car elle cherche à représenter avec précision le paysage physique extérieur de la réalité abstraite.

 

En d’autres termes, l’abstraction de Nakamura vise à explorer la structure sous-jacente du monde visible, plutôt qu’à saisir des états émotionnels dans leur forme brute.

 

 

Télécharger Télécharger