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Cerfs en hiver v.1950

Cerfs en hiver, v.1950

Maud Lewis, Deer in Winter (Cerfs en hiver), v.1950
Huile sur carton-pâte, 29,6 x 35,9 cm
Musée des beaux-arts de la Nouvelle-Écosse, Halifax

Cette composition assez précoce de Maud Lewis, où figurent deux cerfs observant un petit village au-delà d’une vallée, comporte plusieurs éléments qui sont devenus remarquables dans le style de la peintre. On peut ainsi observer l’effet d’espace contenu – le regard du spectateur est posé au premier plan puis traverse toute la composition avant d’être arrêté par la ligne que forment les collines à l’arrière-plan. Le tableau frappe également par son traitement de la lumière. Bien que décrite comme étant « sans ombres », l’œuvre de Lewis en comporte souvent, en fait. Ici, elles sont nettement visibles, projetées par des objets éclairés par la lumière bigarrée du soleil couchant (ou levant). Les trois collines sont ombragées au sommet. Les arbres du premier plan jettent des ombres bleutées sur la neige, tout comme la rangée d’arbres et les bâtiments du deuxième plan. Des ombres s’étirent aussi sur le tronc des trois feuillus dénudés. L’étang (ou ruisseau) du deuxième plan est ombragé par des bancs de neige et reflète l’orangé du soleil.

 

Maud Lewis, Deer Crossing Stream (Cerf traversant un ruisseau), années 1960, huile sur panneau, 129,1 x 34,4 cm, collection du Dr Doug Lewis et de Florence Lewis, Digby, Nouvelle-Écosse.

Essentiellement nostalgique, l’œuvre de Lewis confère à la Nouvelle-Écosse un passé idyllique. Ici, le minuscule village – quelques maisons et étables situées de part et d’autre d’une église blanche en bois – est niché dans une paisible vallée. Il n’y a aucun signe de modernité : pas de ligne électrique, ni même de route. Le couple improbable de cerfs de Virginie – une femelle et un mâle – regarde la scène, en même temps que le spectateur du tableau. C’est ici la nature qui observe la culture et qui exprime de manière bucolique le désir d’harmonie entre le monde des humains et celui des animaux.

 

Lewis peint souvent des cerfs qu’elle place dans des compositions rappelant les illustrations de calendriers sur le thème des scènes de chasse, comme le cerf qui bondit dans Deer Crossing Stream (Cerf traversant un ruisseau), années 1960. Cette mise en action est absente de Cerfs en hiver qui dégage plutôt un certain romantisme, comme nombre des scènes de villages de Lewis.

 

Les cerfs sont encadrés d’arbres qui forment une arche les surplombant, laquelle, à une autre saison, deviendrait écrin de verdure. Le cadre interne est un élément de composition fréquemment employé par Lewis dans ses peintures de bœufs et de chats, qui sont souvent présentés bordés de fleurs. Ici, l’image est montée comme une scène, les cerfs jouant le rôle d’acteurs ou de public, selon le point de vue. Ce procédé est une technique courante dans les arts graphiques, utilisée encore aujourd’hui dans l’imagerie publicitaire et de calendriers, afin de fixer le regard de l’observateur sur les figures centrales. L’adoption de ce procédé par Lewis, ainsi que l’utilisation d’éléments naturels pour créer un effet d’encadrement, sont toutes deux révélatrices des leçons de graphisme qu’elle a absorbées par le biais des magazines et ailleurs, les explorant afin de créer ses propres stratégies visuelles.