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Composite 14 1996-1997

Composite 14, 1996-1997

Sorel Etrog, Composite 14, 1996-1997
Peinture acrylique sur bois, bois, métal et ampoules, 150 x 12 x 189,2 cm
Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto

Le dernier élan créatif d’Etrog s’incarne dans une série qu’il intitule Composites et qui marque un retour vers ses toutes premières œuvres des années 1950, les Constructions peintes, des compositions en aplat, mais riches sur le plan géométrique. Comme ces premières œuvres, Composite 14 et les œuvres qui y sont liées sont conçues pour être accrochées au mur.

 

Etrog trouve son inspiration pour cette série quand il visite sa cousine Sylvia Federman et son mari, Burton, en Floride en 1996 : « Burt avait un garage contenant plus d’outils que tous les sculpteurs que je connaissais. Je me suis retrouvé dans son garage où j’ai fabriqué ma première construction en bois depuis les années 1950. » À son retour à Toronto, il commence à collectionner non seulement des débris de bois, mais aussi des objets prêts à l’emploi comme des caisses de lait en plastique, des paillassons en caoutchouc et des ampoules électriques, qu’il combine pour créer ses collages géométriques colorés. 

 

Sorel Etrog, Composite 18, 1996-1997
Sorel Etrog, Composite 18, 1996-1997, bois, peinture acrylique, contreplaqué, panneau dur, matériel d’emballage en mousse, charnières en métal et valves comme poignées, portes fermées : 124,7 x 8 cm, Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto.

Composite 14 est un assemblage rectangulaire plat comportant plusieurs éléments en relief superposés en surface. Sa composition est équilibrée et géométrique, avec une orientation principalement horizontale. Au bas de la pièce, et tendue sur toute sa surface, se trouve une bande de peinture verte placée sous un motif intermittent de brique noir et blanc et sous cinq lignes en métal rouges qui coupent l’œuvre en entier, et qui sont maintenues en place par trois poteaux verticaux blancs surmontés d’ampoules allumées. Deux rangées de petits clous rouges sont martelés dans le cadre inférieur de l’œuvre et se tiennent debout devant la bande verte.

 

En 1966, Etrog retourne dans son pays natal, la Roumanie, pour la première fois en 46 ans. Même s’il ne retourne pas dans sa ville natale de Iasi, la visite d’un camp de prisonniers de guerre lui remémore des souvenirs douloureux. Les Composites témoignent de son expérience et de son enfance traumatisante en tant que Juif qui grandit dans une Roumanie antisémite pendant la Seconde Guerre mondiale et plus tard sous l’occupation soviétique. Les formes verticales et horizontales de Composite 14 rappellent les clôtures électriques, les fils barbelés et les autres barrières physiques qui entourent les camps de concentration, ces lieux de mort et de torture utilisés par les nazis pour éradiquer la population juive d’Europe. Les fines lignes rouges étirées entre les poteaux blancs ressemblent à une clôture et les ampoules qui fonctionnent suggèrent des projecteurs. Les courts clous rouges dans le bas ajoutent à l’impression d’impraticabilité, tout comme les briques superposées présentent un espace clos sans ouvertures. D’autres œuvres de la série suggèrent des cellules de prison et des trains de déportation, voire les chambres à gaz elles-mêmes.

 

Les Composites sont exposées pour la première fois à la Christopher Cutts Gallery à Toronto en 2000. Dans le catalogue de l’exposition, le critique d’art et ami d’Etrog Gary Michael Dault (né en 1939) interprète les œuvres en termes stylistiques, affirmant qu’elles présentent un résumé rétrospectif de la carrière de l’artiste : « Ici, par exemple, se trouve une liste de vérification des etrogismes – des échos et de nouvelles modulations du vocabulaire de travail de l’artiste – présents dans les Composites : des charnières – une évolution du maillon si présent dans les sculptures classiques d’Etrog des années 1960 et 1970… De profondes couleurs brillantes (le type de couleur affiché par les Composites rappelle la peinture-émail automobile cuite et polie des sculptures des vis et écrous du début des années 1970, par exemple). Des plans géométriques sévères, formés et reconnus pour leur puissance formelle, et juxtaposés avec vigueur – comme dans les nouvelles sculptures murales en acier radicalement simplifiées du début des années 1980. »

 

Cette interprétation formaliste omet de tenir compte du sujet des Composites, à savoir que ces œuvres sont directement liées à des évènements récents et très anciens de la vie personnelle de l’artiste. L’historienne de l’art Joyce Zemans, également une amie d’Etrog, interprète les œuvres à la lumière de sa biographie. Pour elle, leur composition et leur arrangement formel ne sont pas abstraits, pas plus qu’ils ne relèvent des « associations arbitraires des dadaïstes. Les objets évoquent la violence qui, en majeure partie, se trouve dissimulée dans l’œuvre d’Etrog…. Les Composites sont, en fait, codifiées et formées de plusieurs couches de signification ».

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