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Bouche rieuse 1935

Alfred Pellan, Bouche rieuse, 1935

Alfred Pellan, Bouche rieuse, 1935
Huile sur jute, 55,1 x 46 cm
Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa

Dans Bouche rieuse, Alfred Pellan superpose diverses formes sur un fond composé de trois espaces dominé par une couleur spécifique : du bleu dans le haut, différentes nuances d’ocre au centre, et de vert en bas à droite. Des petites gouttes de peinture raccordent ces trois sections presque monochromes. Elles sont traversées par des lignes noires rigides qui, à première vue, semblent libérées du fardeau du réalisme, mais qui, finalement, ne sont pas complètement abstraites. Au milieu du tableau, ces traits tels des contours composent une forme reconnaissable, soit un oiseau, que l’artiste agrémente d’un grand œil. Ensemble, les lignes de l’animal et de l’œil rappellent la « bouche rieuse » à laquelle le titre fait allusion. Cette composition exemplifie bien les tableaux de Pellan des années parisiennes, au milieu des années 1930, et son intérêt pour le métissage de la figuration et de l’abstraction.

 

Alfred Pellan, Intérieur d’atelier, v.1935, huile sur toile, 38,1 x 55,2 cm, collection privée.

Avant son arrivée en France, Pellan ne peint que dans un style académique et réaliste. À Paris, cependant, il est captivé par les techniques modernistes qui tentent de réinventer les codes de la représentation. Inspirée par les œuvres de Paul Klee (1879-1940) et de Joan Miró (1893-1983), Bouche rieuse frôle l’abstraction pour mieux imprégner le réel d’un sentiment d’émerveillement et de poésie. Toutefois, si les œuvres de Pellan des années 1930 présentent moins de liens avec la représentation figurative, elles ne sont pas strictement abstraites pour autant. L’abstraction pure est « loin de ses préoccupations », car il estime qu’elle produit une absence de mouvement dans l’art, affirmant : « L’abstraction est une mathématique instinctive, de forme, de volume, de couleur, dans l’espace, c’est l’assainissement de la peinture par la géométrie. »

 

L’œuvre de Pellan trahit un attachement profond à la représentation du monde humain : « J’ai fait beaucoup d’abstractions, disait-il en 1952. Souvent, je commence une toile en termes abstraits, puis la réalité, [et] le côté humain viennent se greffer dessus. » C’est comme si l’artiste tentait de voir jusqu’où il pouvait pousser l’abstraction avant que les objets ne perdent leur sens de la réalité.

 

Dans Bouche rieuse, les lignes représentent plus que le simple contour d’une image bien définie; elles se métamorphosent pour devenir le sujet même du tableau. Elles rompent avec la structure linéaire de l’espace, créant une mouvance contre-diagonale depuis « l’enveloppe » verte dans le coin inférieur droit jusqu’à la curieuse forme de « moulin à vent » dans le haut, à gauche. Ces lignes noires créent donc une impression de mouvement qui contraste avec la rigidité des masses colorées, en même temps qu’elles sont garantes de l’harmonie dynamique entre les éléments disparates.

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