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Jardin vert 1958

Alfred Pellan, Jardin vert, 1958

Alfred Pellan, Jardin vert, 1958
Huile et poudre de cellulose sur toile, 104,6 x 186,3 cm
Musée national des beaux-arts du Québec, Québec

L’œuvre de Pellan montre une vue à vol d’oiseau d’un jardin en fleurs morcelé par les lignes d’une grille plutôt relâchée. Sur un fond de formes vertes panachées représentant la terre et l’herbe, des touches épaisses de couleur jaillissent pour former des plantes et des fleurs abstraites. Jardin vert est l’un des six tableaux d’une série consacrée au jardin, chacun correspondant à une couleur constitutive de la lumière blanche filtrée à travers un prisme. Les six œuvres de la série présentent des similitudes dans le traitement des couleurs saturées, l’attention à la matérialité et l’organisation structurelle. Une subvention spéciale du Conseil des arts du Canada accordée à Alfred Pellan en 1958 lui permet de réaliser le projet, considéré comme l’un de ses meilleurs.

 

Comme l’écrit Guy Robert (1933-2000), auteur d’une biographie de Pellan parue en 1963, « rarement la pâte a contenu autant de poésie, rarement la lumière a été aussi subtile, et la composition aussi élégante, et le métier aussi grand ». Dans Jardin vert, toute référence aux paysages traditionnels a disparu. Il ne reste que la terre fertile et herbeuse, « cultivé[e] par la main du peintre “jardinier ». Elle couvre toute la surface du tableau, unifiant un réseau de lignes horizontales et verticales qui instaure une certaine structure dans la composition. Pour obtenir une illusion de profondeur, Pellan juxtapose des couches transparentes de différentes nuances.

 

Dans la série Jardin, « l’exaltation de la couleur, ou plutôt de la matière colorée, comme principe organisateur du tableau traduit [….] un approfondissement qui conduit Pellan aux sources élémentaires du vivant ».  Riche et vibrante, la matière est extrêmement dense; en tant que matériau, c’est elle qui construit le sujet et façonne les structures plastiques. Pour générer cet effet unique, Pellan emploie une seringue à glacer. En insistant sur l’épaisseur de la substance, il confère une qualité sculpturale au tableau. Les fleurs semblent prêtes à être cueillies : la personne spectatrice n’a qu’à tendre la main et franchir la barrière dimensionnelle qu’est la toile.

 

Alfred Pellan, Jardin mécanique, 1965, acrylique, plâtre et gouache sur contreplaqué, 122 x 121,8 cm, Musée des beaux-arts de Vancouver.
Alfred Pellan, Étude pour Jardin mécanique, 1965, ciment dentaire, 8,9 x 8,3 x 1,7 cm, Musée national des beaux-arts du Québec, Québec.

Incorporant des éléments de bas-relief dans son expérimentation de la matérialité de la couleur, Pellan radicalise plus tard ses explorations dans la série Jardin. Dans Jardin mécanique, 1965, l’artiste place des éléments en plastique dans la peinture, créant une fleur tridimensionnelle qui ressemble à un moulin à vent. Cette plante-machine presque futuriste semble animée d’un perpétuel mouvement.

 

La végétation luxuriante et les motifs organiques que Pellan dépeint dans les tableaux de la série Jardin sont caractéristiques de sa production des années 1960. Il commence à représenter la nature, mais d’une manière « surréelle », redéfinie par son imagination. Son langage pictural se simplifie et ses nouvelles compositions s’affranchissent des dessins complexes de ses croquis ou peintures d’inspiration surréaliste. Pellan ne recourt qu’à quelques éléments pour créer un nouvel univers peuplé de formes naturelles telles que des rochers et des plantes, ainsi que des cellules organiques, souvent vues en coupe telles des échantillons biologiques. Un rythme apaisant et un sentiment de sérénité émanent de ces tableaux. Cependant, il n’y a pas de rupture franche avec son travail antérieur; au contraire, Pellan éprouve les techniques qu’il a apprises et les métamorphose en quelque chose d’inédit.

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