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La femme de Loth 2012

La femme de Loth, 2012

Kent Monkman, Lot’s Wife (La femme de Loth), 2012
Fibre de verre, mousse de polystyrène, bois, cerf naturalisé, gazon artificiel et projection vidéo, 243,8 x 243,8 x 243,8 cm (élément sculptural), 274,3 x 487,7 cm (projection vidéo)
Denver Art Museum

Présentée comme un diorama, l’installation multimédia La femme de Loth montre un mannequin de Kent Monkman dans le rôle de Miss Chief Eagle Testickle, vêtu d’une tunique diaphane blanche et tenant un sac à main en perles. Miss Chief se tient au milieu de longues herbes et de fleurs sauvages originaires du Manitoba, fabriquées à partir de plastique, de mousse de polystyrène et de bois. Un faon naturalisé repose dans les roseaux. La figure regarde sur un écran une vidéo projetée de la rivière Rouge qui s’écoule vers le sud depuis le lac Winnipeg, près de St. Peters, au Manitoba. Des sons de la nature accompagnent le film. Le titre de l’œuvre évoque le récit biblique de la femme de Loth, qui, en dépit du commandement divin, se retourne pour jeter un dernier regard sur sa maison de Sodome avant que Dieu ne la détruise. Celui-ci la punit de sa désobéissance en la changeant en statue de sel. Avec cette installation, Monkman met l’accent sur le souvenir, la mémoire et la terre.

 

Kent Monkman, Woe to Those Who Remember from Whence They Came (Malheur à ceux qui se souviennent d’où ils sont venus), 2008, acrylique sur toile, 182,9 x 274,3 cm, collection Balsillie.

La femme de Loth, qui ouvrait l’exposition Winnipeg Now au Musée des beaux-arts de Winnipeg en 2012, met en avant le vol des terres ancestrales de la famille de Monkman. Son arrière-grand-mère, Caroline Everette, demeurait à St. Peters avec sa famille depuis sa naissance quand elle a été déportée et relocalisée trois fois, à la suite des revendications des colonisateurs blancs de la colonie anglicane, soutenues par les politiques du gouvernement canadien. St. Peters, situé dans la vallée de la rivière Rouge, au sud du Manitoba, abritait une communauté autochtone composée du peuple saulteaux (dirigé par le chef Peguis) et moskégon, qui s’était établie comme colonie agricole au début du dix-neuvième siècle.

 

La beauté de l’image souligne le caractère poignant de la perte subie par Everette, Monkman et, par extension, celle des générations de peuples autochtones. L’installation aborde à la fois l’intime et le collectif, soit l’histoire familiale de Monkman, marquée par la dépossession, et la négation des peuples autochtones par le christianisme. L’artiste la décrit comme une « critique de la modernité des colons européens et de leur credo d’amnésie, qui réfute l’idée de l’effacement de la mémoire d’un lieu ».

 

Le thème de la perte et de la mémoire apparaît clairement dans une peinture produite plus tôt par Monkman, Woe to Those Who Remember From Whence They Came (Malheur à ceux qui se souviennent d’où ils sont venus), 2008, dont le paysage en arrière-plan est celui de la prairie surplombant Fort Garry. Ancien poste de traite de la Baie d’Hudson, c’est à cet endroit que le Traité no 1 a été conclu le 3 août 1871 entre les Ojibwés, les Moskégons du Manitoba et la Couronne. Au centre de la composition se trouve la figure fantomatique de Miss Chief. Alors qu’on lui ordonne de partir sans regarder derrière, elle se retourne vers sa terre natale. En raison de sa désobéissance, on la transforme en statue de sel. Si Monkman reconnaît qu’on ne peut changer le passé, il prouve néanmoins que sa représentation peut être réinventée.

 

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