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Rassemblons-nous près de la rivière 2001

Rassemblons-nous près de la rivière, 2001

Kent Monkman, Shall We Gather at the River (Rassemblons-nous près de la rivière), 2001
Acrylique sur toile, 182,9 x 243,8 cm
Collection de l’artiste

Rassemblons-nous près de la rivière figure au sein d’une série intitulée The Prayer Language (La langue de la prière), inspirée du recueil de cantiques cris des parents de l’artiste. Ce dernier incorpore à son œuvre des caractères syllabiques tirés de l’hymne qui donne son titre à l’œuvre. Des couches de peinture acrylique épaisse et semi-transparente imitent la peau humaine : des veines, des muscles et des os semblent se dessiner sous la surface du tableau. Sous ces marques se cachent des figures fantomatiques inspirées de photographies d’hommes qui combattent corps à corps, enlacés dans l’extase ou la lutte. À la fois intrigué par la notion de sexualité en tant que rapport d’échange telle que définie par Michel Foucault, et influencé par la conquête, la lutte et les questions implicites d’identité, Monkman aborde le corps comme un site de contestation, en tirant profit de sa langue ancestrale, le cri. Cette rencontre entre le corps, la langue et l’histoire illustre l’impact du christianisme sur les communautés autochtones, un enjeu crucial que Monkman explore depuis de nombreuses années.

 

Kent Monkman, When He Cometh (Quand il vient), 2001, acrylique sur toile, 91,4 x 121,9 cm, collection de l’artiste.

Dans la réserve où est née l’arrière-grand-mère de Monkman, à St. Peters, au Manitoba, on nommait la langue crie « la langue de la prière ». Aussi le christianisme s’inscrit-il dans l’histoire personnelle de l’artiste, lequel ressent encore aujourd’hui, par l’entremise de son arrière-grand-mère, les effets pervers de cette autorité religieuse. Bien que l’invention du système syllabique cri date de 1840 et soit attribuée à James Evans, un missionnaire anglican du nord du Manitoba, de nombreux Cris, dont Monkman, croient que l’écriture syllabique existait déjà sur des rouleaux d’écorce de bouleau et qu’Evans en aurait pris connaissance lors de ses contacts avec la communauté crie. Entre ses mains, les syllabes ont été déployées dans une perspective non autochtone, ce qui a renforcé les liens entre l’Église et le colonialisme. Le christianisme s’est implanté par l’intermédiaire de ce système établi sur des préceptes bibliques. Au moment de la création de cette œuvre, Monkman ne pouvait ni parler ni lire le cri (il est en train de l’apprendre), mais il considérait la langue comme une abstraction, et les syllabes sont ainsi devenues des marques abstraites dans son art.

 

Par ailleurs, en réunissant des éléments propres aux hymnes et à l’homoérotisme, Monkman aborde également le thème des rapports de force sexuels dans l’histoire du contact entre Autochtones et Européens. Certains titres de la série La langue de la prière constituent des expressions insolentes à double sens, qui vont à l’encontre de la morale sexuelle chrétienne, comme When He Cometh (Quand il vient), 2001. « Je pensais à la sexualité colonisée, explique-t-il; c’est par le processus de colonisation et par l’impact de l’Église et des missionnaires qu’est née l’homophobie dans nos communautés. » La série a été exposée au Centre de l’art indien (aujourd’hui le Centre d’art autochtone) à Ottawa, en 2001.

 

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