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Le vent d’ouest 1916-1917

Tom Thomson, Le vent d’ouest, 1916-1917

Tom Thomson, Le vent d’ouest (The West Wind), 1916-1917

Huile sur toile, 120,7 x 137,9 cm

Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto

Réalisée au cours de l’hiver de 1916-1917, cette toile représentant un pin solitaire démontre que la formation d’artiste de Thomson est à la fois erratique et originale. Afin de créer sa propre composition, il s’inspire des formes sinueuses de l’Art nouveau (un style décoratif auquel il recourt dans son travail d’artiste commercial ainsi que dans des pièces comme Rivière du Nord (Northern River), 1914-1915), et des couleurs vives et hardies des premiers expressionnistes (particulièrement dans les traits rouges au premier plan servant à souligner les surfaces rocheuses). Conçu d’après un paysage qu’il connaît bien, ce tableau comporte aussi des éléments imaginaires.

 

Art Canada Institute, Tom Thomson, Esquisse à l’huile pour « Le vent d’ouest », 1916
Tom Thomson, Esquisse à l’huile pour « Le vent d’ouest », 1916, huile sur bois, 21,4 x 26,8 cm, Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto. D’après le Dr James MacCallum, cette esquisse a été exécutée au lac Cauchon dans le parc Algonquin.

Thomson place le pin solitaire sur une pointe au bord d’un lac. L’arbre trône au milieu de la toile, la cime coupée dans la partie supérieure – une position qui transforme un sujet tout simple en une affirmation puissante et provocatrice. Le tronc et les branches tordus évoquent l’âge et la persévérance, ainsi que le courage face aux éléments.

 

La toile traduit peut-être aussi l’état d’esprit de Thomson – une sorte d’autoportrait mental ou métaphorique. Il est possible qu’il ait ressenti de l’empathie pour l’arbre, pour la façon dont il avait poussé et survécu. Thomson peint cette toile alors que la Première Guerre mondiale fait rage en Europe – un événement cataclysmique dans lequel plusieurs de ses amis sont impliqués. La survie, les conditions difficiles, les risques de pertes importantes sont alors des enjeux capitaux pour tout le monde autour de lui.

 

L’arrière-plan complexe, composé d’un ciel animé, de nuages fuyants et de moutons engendrés par le vent, renforce le titre (posthume) du tableau. Une mince ligne de rivage et des collines au loin divisent et unissent d’un même souffle l’eau et le ciel de leurs sombres traits verticaux de pigment vert et bleu de Prusse. Ce qui impressionne le plus de ce tableau, c’est sa puissance et son énergie. Le ciel déferlant et le lac agité circonscrivent le seul élément paisible de la composition : le pin lui-même. De toutes les œuvres du canon canadien, voici celle qui se rapproche le plus de l’intensité des tableaux de Vincent van Gogh (1853-1890).

 

Art Canada Institute, Tom Thomson, Le pêcheur, 1916-1917
Tom Thomson, Le pêcheur, 1916-1917, huile sur toile, 51,3 x 56,5 cm, Art Gallery of Alberta, Edmonton.
Art Canada Institute, Tom Thomson, La drave, 1916-1917
Tom Thomson, La drave, 1916-1917, huile sur toile, 120 x 137,5 cm, MacDonald Stewart Art Centre, Guelph (Ontario).

La toile est très différente de l’esquisse réalisée par Thomson au printemps de 1916, tant au niveau de la conception que des détails. Alors que ses petites esquisses à l’huile sont généralement empreintes de plus de fraîcheur et de force et plus intimistes que les toiles qui en sont tirées, dans ce cas-ci, la toile surpasse l’esquisse par son dynamisme. Aucune autre œuvre de Thomson, à l’exception du Pin (The Jack Pine), 1916-1917 (dont l’esquisse et le tableau sont réalisés à la même période que Le vent d’ouest) et de Splendeur d’octobre (Opulent October), 1915-1916 (réalisée l’hiver précédent à partir d’une esquisse exécutée au cours de l’été 1915), ne partagent cette qualité exceptionnelle.

 

La plupart du temps, les artistes n’arrivent pas à recréer dans leurs toiles l’intensité et l’instantanéité de l’expérience vécue au moment où l’inspiration jaillit et où le sujet est à portée de main. Plusieurs autres toiles conçues en 1916-1917, telles que Chute d’eau dans la forêt (Woodland Waterfall, un tableau nettement moins réussi), Le pêcheur (The Fisherman) et La drave (The Drive), présentent un caractère théâtral et une rigidité maladroite qui conduiront le Dr James MacCallum à dire qu’elles n’étaient pas terminées. Elles ne traduisent ni l’assurance ni l’aplomb magistral de Vent d’ouest ou du Pin.

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