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Les morts entendent 1941

The Dead Hear (Les morts entendent), 1941

Walter S. Allward, The Dead Hear (Les morts entendent), 1941
Mine de plomb et crayon de couleur sur papier crème, 21,2 x 33,3 cm
Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa

Cette œuvre montre cinq figures ressuscitées d’entre les morts par les pouvoirs d’un joueur de trompette afin qu’ils participent à l’effort de guerre. À travers une porte tracée sur la partie droite du dessin, on aperçoit au loin la silhouette de la cathédrale Saint-Paul, symbole de la résistance britannique pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette cathédrale a survécu à un féroce raid aérien allemand au petit matin du 30 décembre 1940, et l’événement a été immortalisé dans l’une des photographies emblématiques de la guerre, St. Paul Survives (La cathédrale Saint-Paul survit) d’Herbert Mason (1903-1964). Le thème du dessin fait allusion à un passage du Nouveau Testament (1 Corinthiens 15:52) : « La trompette sonnera, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons changés. » Il rappelle également les soldats morts venant en aide aux vivants, le rêve d’Allward qui a inspiré le Mémorial de Vimy, 1921-1936.

 

Walter S. Allward, Untitled (Sans titre), v.1940, mine de plomb et crayon de couleur sur papier vélin, 21,1 x 27,6 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.
Walter S. Allward, Futility (Futilité), s.d., mine de plomb et crayon de couleur sur papier vélin, 25,3 x 20,5 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

Les morts entendent appartient à une série d’une centaine de dessins allégoriques sur des thèmes de guerre réalisés par l’artiste torontois au début de la Seconde Guerre mondiale. Ce dernier qualifie ces dessins de caricatures de guerre, révélant la désillusion et le désespoir ressentis à la suite de l’invasion de l’Europe par les nazis à la fin des années 1930. Contrairement aux nombreuses esquisses produites pour ses monuments, ces œuvres traduisent des émotions brutes, très poignantes, qui les inscrivent ainsi dans la tradition de Francisco Goya (1746-1828) et des maîtres expressionnistes allemands du vingtième siècle Otto Dix (1891-1969) et George Grosz (1893-1959) . De plus, leur style linéaire et leur qualité visionnaire rappellent les œuvres de William Blake (1757-1827), qu’Allward a eu l’occasion de voir lorsqu’il habitait Londres. Enfin, les figures apparaissant dans les dessins de la série font penser aux œuvres sculpturales qu’il crée à l’apogée de sa carrière, notamment les deux statues en bronze pour le Monument aux morts de Stratford, 1919-1922. Bien que ces compositions fassent partie de la collection privée d’Allward et n’aient jamais été exposées de son vivant, elles comptent parmi ses dessins les plus accomplis et constituent sa dernière œuvre majeure.

 

Divers sujets animent ces compositions, allant d’un groupe de figures angoissées transpercé d’une grande épée tenue par les mains de Dieu à la vision emplie d’espoir d’un Christ auréolé sauvant des personnages d’eaux turbulentes. Comme en témoignent Les morts entendent et les œuvres précédentes, l’imagerie chrétienne est très prégnante dans ce corpus. Envisagés dans l’ensemble de l’œuvre d’Allward, ces dessins ressemblent, tant dans leur dimension émotionnelle que religieuse, à la série de croquis mélancoliques qu’il produit au début de la Première Guerre mondiale, dans laquelle on retrouve entre autres Death of Artist (La mort de l’artiste), v.1914, et The Battlefield (Le champ de bataille), v.1916. Cependant, contrairement à ces œuvres réalisées au lavis d’encre et à la mine de plomb, les dessins de guerre tardifs sont pour leur part exécutés à la mine de plomb et au crayon de couleur. Ils se distinguent également par le sentiment d’immédiateté qu’ils suscitent et par l’émotion qu’ils communiquent en partie grâce au positionnement des figures au premier plan et à la profondeur réduite des compositions.

 

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