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Relecture de la guérison 1994-1999

Relecture de la guérison no 1, 1994-1999

Suzy Lake, Re-Reading Recovery #1 (Relecture de la guérison no 1), 1997
Épreuve chromogène sur aluminium, 243,84 x 152,4 cm

Collection de Osler, Hoskin & Harcourt LLP, Toronto

Après une décennie d’activisme social au cours de laquelle Lake ne se met plus en scène comme le sujet de son art, elle revient devant la caméra pour deux œuvres qui exploitent le thème de la reconstruction et qui offrent un suivi visuel de la démolition orchestrée dans Pre-Resolution : Using the Ordinances at Hand (Pré-résolution : utilisation des ordonnances en vigueur), 1983-1985. Relecture de la guérison montre Lake vêtue d’un fond de robe en coton léger (symbole à la fois de vulnérabilité et de protection), debout, devant un mur vert qui s’écaille, les pieds nus au milieu d’un tas de débris. Tout en balayant les débris, elle regarde son balai, qui semble flou, comme s’il était en mouvement. Lake n’a jamais de contact visuel avec la caméra. En se concentrant sur la tâche à accomplir, elle évoque la suggestion de gestes rythmiques répétitifs.

 

Suzy Lake, My Friend Told Me I Carried Too Many Stones #2 (On m’a dit que je portais trop de cailloux no 2), 1994, construction photographique chromogène, 53 x 43 cm, Banque d’art du Conseil des arts du Canada, Ottawa.
Suzy Lake, Chrysalis #2 (Chrysalide no 2), 1996, construction d’épreuve chromogène, 61 x 59,7 cm, Georgia Scherman Projects, Toronto.

Relecture de la guérison est étroitement liée à l’œuvre qui la précède, My Friend Told Me I Carried Too Many Stones (On m’a dit que je portais trop de cailloux), 1994-1995, issue d’une autre série en couleur dans laquelle Lake explore les thèmes de la perception et du concept. L’artiste semble y porter le même fond de robe et se trouver devant le même mur vert qui s’effrite, bien que dans cette première œuvre, revenant à un sujet familier et au corps comme matériau, après une décennie d’activisme, elle fait dos à la caméra. Son profil est visible et son épaule nue, à l’exception de la bretelle de son sous-vêtement, pendant qu’elle gratte le mur en ruine avec ses ongles. Sa silhouette est recadrée par ce qui semble être à la fois un tapis et un cadre ainsi qu’une photographie en gros plan du même mur délabré.

 

L’effet suggère que Lake est encastrée dans un étrange miroir – rappelant celui de l’Alice de Lewis Carroll : elle est inextricablement liée à son environnement mais s’enfonce aussi dans un plan photographique en retrait. Deux actions contradictoires du point de vue de la perception sont en jeu : l’écaillement et la superposition, offrant à la fois un espace de plus en plus en retrait et la froide réalité de la surface photographique. Consciente que son corps a changé et vieilli au cours de la décennie qui s’est écoulée depuis sa dernière apparition dans son œuvre, l’artiste opte pour une approche plus introspective de sa représentation, qui pourrait également suggérer les attributs positifs du vieillissement et de la maturité. Pour Lake, déblayer les décombres symbolise une figure qui émerge d’une lutte et prépare la voie à une nouvelle étape.

 

En 2008, le Musée des beaux-arts de l’Ontario invite Lake à adapter Relecture de la guérison et On m’a dit que je portais trop de cailloux pour en faire une installation extérieure de grande envergure prenant place pendant la rénovation de l’institution. Intitulée Rhythm of a True Space (Rythme d’un véritable espace), les différentes itérations de Lake balayant sont reproduites sur un film de vinyle sans couture de près de deux mètres de longueur tendu sur le panneau qui entoure le bâtiment – et suggèrent l’étape nécessaire du retrait des décombres dans un processus de reconstruction. Si Lake semble confinée dans On m’a dit que je portais trop de cailloux, lorsque son image plus grande que nature, dans Rythme d’un véritable espace, est exposée sur la surface extérieure de la palissade enserrant le musée, elle semble s’être affranchie de ses contraintes et s’occuper des conséquences de sa fuite.

 

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