Portrait de l’artiste en jeune homme est la première œuvre de la période mûre du peintre William Kurelek (1927-1977), créée tout de suite après son départ soudain de l’Ontario College of Art (OCA, aujourd’hui l’Université de l'ÉADO). Elle marque sa décision d’exercer son talent artistique de manière professionnelle et révèle le fort sentiment d’identification qu’il ressent dans cette période de sa vie envers Stephen Dedalus, le protagoniste principal du roman de James Joyce du même titre et daté de 1916. 

 

William Kurelek, Portrait de l’artiste en jeune homme, 1950

William Kurelek, Portrait of the Artist as a Young Man (Portrait de l’artiste en jeune homme), 1950

Huile sur plywood, 65,5 x 59,6 cm, collection privée

Foisonnant de symbolisme, avec plusieurs couches d’interprétation, cet autoportrait est un tableau à l’intérieur d’un tableau. Il montre l’artiste devant un canevas imposant qui dépeint un « temple imaginaire » orné de murales représentant « différents incidents de [sa] vie » à Stonewall et Winnipeg, en Manitobie. Il est composé de scènes fantastiques, cauchemardesques, dont un Samson ou un surhomme herculéen monstrueux brandissant un os, ou alors un homme émergeant d’un œuf qui rappelle l’Enfant géopolitique observant la naissance de l'homme nouveau, 1943, de Salvador Dalí (1904-1989), un tableau allégorique traitant du début de l’ère nucléaire. À l’avant-plan droit, derrière un pain, un exemplaire du Hamlet de Shakespeare est mis bien en évidence. 

 

Kurelek a déclaré que ce tableau reflète l’influence qu’ont eue sur lui des peintres tels que Jean-Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779), Hans Holbein (1497-1543), les Préraphaélites et les muralistes mexicains. La conservatrice Mary Jo Hughes a émis l’hypothèse que, sur le plan de la composition, cet autoportrait est redevable au tableau Picture of Dorian Gray (Portrait de Dorian Gray), 1943-1944, d’Ivan Albright (1897-1983), qui figure dans l’adaptation hollywoodienne de 1945 du roman d’Oscar Wilde. Si Kurelek n’a jamais mentionné ce film, son intérêt pour le cinéma populaire, pour la littérature victorienne et pour la pratique de l’autoportrait suggère qu’il devait certainement le connaître, le contraire étant difficile à croire.

 

Cette rubrique en vedette est extraite de William Kurelek : sa vie et son œuvre par Andrew Kear.

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