Kiss & Tell est un collectif artistique lesbien novateur actif à Vancouver de 1988 à 2002. Ses trois membres – Persimmon Blackbridge, Lizard Jones et Susan Stewart – sont principalement connues pour leur œuvre inaugurale, une exposition itinérante de photographies intitulée Drawing the Line (Tracer la ligne), 1988-1990. Pourtant, elles ont également collaboré à des performances et à des écrits tout aussi importants sur la censure, les pratiques sexuelles lesbiennes, l’activisme et l’identité – des contributions rarement discutées ou même reconnues.

 

Portrait de Kiss & Tell (de gauche à droite : Persimmon Blackbridge, Lizard Jones et Susan Stewart), 1998, photographie de Della McCreary.

Dans le cadre de ma bourse de recherche à l’Institut de l’art canadien, j’ai consulté les archives de Kiss & Tell conservées aux Livres rares et collections spéciales de la Bibliothèque de l’Université Simon Fraser à Burnaby, de même que les ArQuives – Archives LGBTQ2+ du Canada à Toronto, les BC Gay and Lesbian Archives à Vancouver, sans oublier les archives d’Artexte à Montréal. Pendant deux ans, j’ai mené des entretiens avec les membres de Kiss & Tell pour mettre au jour l’histoire en grande partie méconnue du collectif. Cet ouvrage vise à rectifier l’effacement de leur œuvre – un destin que partagent trop souvent les artistes 2ELGBTQI+ dans l’histoire de l’art canadien.

 

Ma fascination pour le travail de Kiss & Tell et les enjeux qu’elles abordent remonte au début des années 1990. À l’Université McGill, j’ai rédigé un mémoire et fait une présentation sur les guerres du sexe féministes – me positionnant dans le camp pro-sexe. Je me souviens encore du choc de mon professeur lorsque j’ai distribué des photocopies d’images provenant de magazines pornographiques grand public et lesbiens. Un éditorial que j’ai coécrit pour le McGill Daily en 1992 s’opposait à la censure, affirmant que celle-ci « cache le sexe, le plaçant hors de portée du plaisir public, de l’examen critique ou de l’analyse… Nous devons le rendre public. Le regarder, le critiquer, mieux le comprendre et prendre plaisir à le découvrir ». En explorant le sexe et nos relations avec celui-ci, Kiss & Tell fait exactement cela.

 

Pour le dossier « Lesbian, Gay, Bisexual Special Issue [Numéro spécial sur les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles] » que j’ai piloté l’année suivante pour le McGill Daily, j’ai écrit un article sur le projet Tracer la ligne de Kiss & Tell et inclus des extraits d’une présentation dans laquelle Lizard explique comment la rhétorique des féministes antipornographie affecte négativement les communautés queers. J’y ai également fait ma sortie du placard pour la première fois, dans un article intitulé « Coming Out as Bisexual in a Queer Movement [Sortir du placard en tant que personne bisexuelle dans un mouvement queer] ».

 

Kiss & Tell, Drawing the Line (Tracer la ligne), 1988-1990, tirage photographique, 27,9 x 35,5 cm, fonds Kiss & Tell, Livres rares et collections spéciales, Bibliothèque de l’Université Simon Fraser, Burnaby.
Kiss & Tell, True Inversions (Vraies inversions), 1992, performance multimédia au East Vancouver Cultural Centre, image tirée d’une captation vidéo, fonds Kiss & Tell, Livres rares et collections spéciales, Bibliothèque de l’Université Simon Fraser, Burnaby.

 

Les années 1990 constituent une période clé pour l’art, l’activisme et la libération queer. À l’avant-garde de ces luttes, Kiss & Tell crée des œuvres qui sortent du placard les pratiques sexuelles lesbiennes de même que la positivité sexuelle pour les amener dans la sphère publique afin d’éveiller la compréhension, l’empathie et l’ouverture face aux vécus des personnes queers. Le collectif remet en question l’idée selon laquelle les lesbiennes doivent rester invisibles pour être en sécurité. Les artistes exploitent l’humour, le récit, la photographie, la vidéo, la sculpture, l’interactivité, l’insolence, la sensualité ainsi que des réflexions politiques et théoriques pour dénoncer la censure et les limitations imposées à la manière dont les lesbiennes vivent leur vie et se représentent elles-mêmes. Ce livre raconte l’histoire de l’art et de l’activisme lesbien au Canada à travers les œuvres de Kiss & Tell et d’autres voix lesboqueers – afin que nous puissions apprendre des personnes qui ont mené avant nous la lutte, toujours actuelle et toujours nécessaire, pour les droits queers.

 

Avertissement de contenu sensible : Ce livre contient un langage et des images sexuellement explicites.

 

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