Tracer la ligne 1988-1990

Kiss & Tell, Drawing the Line (Tracer la ligne), 1988-1990
Tirage photographique, 35,5 x 27,9 cm
Fonds Kiss & Tell, Livres rares et collections spéciales, Bibliothèque de l’Université Simon Fraser, Burnaby
La première œuvre, et la plus célèbre de Kiss & Tell, Tracer la ligne, est une exposition qui leur vaut des éloges et des citations, notamment dans le Oxford Dictionary of Art, qui déclare que ce projet « incarne au mieux l’esprit de l’art gai et lesbien ». Dans ce corpus, Kiss & Tell représente photographiquement le nu féminin, illustrant une variété de pratiques sexuelles lesbiennes tout en accordant autant d’agentivité aux modèles qu’à la photographe. Cette photographie de deux femmes qui s’enlacent est la seule pièce autonome de l’exposition. L’une des femmes est nue, ses longs cheveux noirs contrastant avec la blancheur de la peau de son dos et de ses bras. L’autre la tient dans ses bras, et seule la moitié supérieure de son visage est visible. Cette image est délibérément choisie pour ouvrir l’exposition en raison de sa relative sobriété. Néanmoins, l’une des femmes touche les fesses nues de sa partenaire (recadrées par le bord de l’image), donnant un avant-goût des photographies plus explicitement sexuelles à venir. Une critique souligne que l’exposition « répond à un besoin d’images émanant d’une communauté tour à tour effacée de l’histoire ou déformée par la pornographie commerciale hétéro ».
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Kiss & Tell, Drawing the Line (Tracer la ligne), 1988-1990
Tirage photographique, 27,9 x 35,5 cm
Fonds Kiss & Tell, Livres rares et collections spéciales
Bibliothèque de l’Université Simon Fraser, Burnaby
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Kiss & Tell, Drawing the Line (Tracer la ligne), 1988-1990
Tirage photographique, 27,9 x 35,5 cm
Fonds Kiss & Tell, Livres rares et collections spéciales
Bibliothèque de l’Université Simon Fraser, Burnaby
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Kiss & Tell, Drawing the Line (Tracer la ligne), 1988-1990
Tirage photographique, 27,9 x 35,5 cm
Fonds Kiss & Tell, Livres rares et collections spéciales
Bibliothèque de l’Université Simon Fraser, Burnaby
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Kiss & Tell, Drawing the Line (Tracer la ligne), 1988-1990
Tirage photographique, 27,9 x 35,5 cm
Fonds Kiss & Tell, Livres rares et collections spéciales
Bibliothèque de l’Université Simon Fraser, Burnaby
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Kiss & Tell, Drawing the Line (Tracer la ligne), 1988-1990
Tirage photographique, 27,9 x 35,5 cm
Fonds Kiss & Tell, Livres rares et collections spéciales
Bibliothèque de l’Université Simon Fraser, Burnaby
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Kiss & Tell, Drawing the Line (Tracer la ligne), 1988-1990
Tirage photographique, 27,9 x 35,5 cm
Fonds Kiss & Tell, Livres rares et collections spéciales
Bibliothèque de l’Université Simon Fraser, Burnaby
En créant leur premier projet, le collectif s’inspire des débats entre les camps pro-sexe et antipornographie durant les guerres du sexe féministes des années 1980, ainsi que des discussions au sein de la communauté lesbienne de Vancouver sur ce qui est considéré comme acceptable dans les représentations des lesbiennes. Pendant trois ans, Kiss & Tell photographie des pratiques sexuelles lesbiennes allant du baiser – entre modèles vêtues, dévêtues, avec des vêtements arrachés, ou complètement nues – au fisting, trios, BDSM et voyeurisme. Comme elles l’expliquent dans leur déclaration artistique : « Nous étions toutes d’accord pour dire que, pour bien faire ce projet, nous devions être prêtes à faire des choses que nous ne ferions jamais dans nos vies. Et essayer de les rendre crédibles. Il y a eu beaucoup de rires nerveux. » Présentée pour la première fois à la Women in Focus Gallery de Vancouver en 1988, Tracer la ligne gagne en notoriété en voyageant dans quinze villes en Australie, au Canada, aux Pays-Bas et aux États-Unis.
Portées par une approche collaborative, les membres de Kiss & Tell commencent par se photographier les unes les autres, mais elles désignent rapidement Susan Stewart, dont c’est le domaine d’expertise, comme photographe principale du projet. Persimmon Blackbridge et Lizard Jones deviennent alors les modèles. Dans la plupart des photographies, leurs visages apparaissent de profil, de dos, partiellement dissimulés ou coupés par le cadre. Les poses et les angles de cadrage suggèrent qu’il pourrait s’agir de n’importe quelles femmes blanches, de n’importe quelles lesbiennes. Avec ce projet, Kiss & Tell explore les zones grises entre les positions tranchées des guerres du sexe féministes et se donne pour mission de voir où le public tracera la ligne en regardant un éventail de pratiques sexuelles lesbiennes produites par des lesbiennes.
Les photographies en noir et blanc de l’exposition, accrochées par groupes de deux à quatre sans cadres, sont conçues pour être lues de manière linéaire, allant de ce qui peut être considéré comme le moins provocant au plus polémique. Les modèles sont photographiées se livrant à une variété d’actes sexuels dans différents lieux, notamment une baignoire, un stationnement, des toilettes publiques, un toit, un atelier de menuiserie, un entrepôt et une forêt. Les images les plus souvent perçues comme controversées mettent en scène des pratiques sadomasochistes : bondage avec des cordes, soumission, domination, jeux de cire, jeux de pouvoir, pinces à mamelons, cuir, fouets, agrippement agressif et ligotage avec des chaînes.


L’exposition est une réponse directe à l’effacement des lesbiennes, à la création d’images sexuelles lesbiennes par des hommes destinées au regard masculin, et aux militantes lesbiennes qui considèrent que les femmes queers ne devraient pas se représenter comme des êtres sexuels. Comme l’écrit l’écrivain et critique culturel canadien Jean Bobby Noble dans le catalogue de l’exposition Tracer la ligne, ces activistes cherchent « à désexualiser le lesbianisme pour le rendre plus acceptable à la fois pour le féminisme et pour la culture hétérosexuelle dominante, ainsi qu’à contester les définitions cliniques du lesbianisme comme déviance sexuelle ».
Kiss & Tell rompt avec la tradition dans son approche de l’interaction avec le public dans un contexte de galerie. Lors de l’exposition Tracer la ligne, les femmes peuvent écrire des commentaires sur les murs à l’aide de marqueurs noirs, et certaines vont jusqu’à griffonner sur les photographies elles-mêmes. Les spectateurs masculins, cependant, ne peuvent écrire que dans un livre placé à la fin de l’exposition. À l’époque, les images sexuelles sont discutées dans une perspective binaire du genre, où les voix des femmes sont réduites au silence ou reléguées au second plan. Séparer les commentaires des hommes est une stratégie pour recentrer les femmes. Comme le montrent les documents d’archives de l’exposition, les murs sont couverts de commentaires de spectatrices réagissant les unes aux autres. Ce type d’échange est aujourd’hui courant à l’ère des réseaux sociaux, mais c’était bel et bien révolutionnaire au début des années 1990. Persimmon note : « Les images flottent dans une mer de texte, ne fonctionnant plus comme des images sexuelles isolées, elles sont littéralement enchâssées dans le contexte de débats, de discussions et de désaccords sur les représentations sexuelles. »


Les dernières photographies de l’exposition forment un groupe de trois images représentant un homme qui observe deux femmes s’embrasser et se toucher. Ce sont ces photographies qui se rapprochent le plus des représentations sexuelles de lesbiennes dans la pornographie traditionnelle créée par des hommes pour des hommes. Mais Kiss & Tell renverse cette convention en situant la scène dans un lieu inattendu (un atelier de menuiserie) et en révélant la présence du voyeur masculin au lieu de simplement la suggérer.
Ce dernier groupe d’images suscite de nombreuses réactions négatives. Dans une salle, une personne noircit à grands traits la figure masculine. Parmi les commentaires recueillis au fil de la tournée de l’exposition, on trouve : « La présence de ce garçon me dérange vraiment », ce qui suscite cette réponse : « C’est un homme, pas un garçon. Je ne pourrais pas être sexuellement excitée devant un homme. Je ne trace aucune ligne parce que je ne voudrais pas qu’il existe une photo de moi en train de baiser, et une photo est une photo, pas l’acte lui-même. »
Dans le livre réservé aux hommes, plusieurs regrettent de ne pas pouvoir écrire sur les murs. « Excellente exposition, écrit un spectateur, mais je pense vraiment que l’émotion et l’impact seraient plus forts si les hommes et les femmes pouvaient écrire sur le mur. » D’autres visiteurs expriment leur gratitude envers l’œuvre, notamment H. L., qui signe avec deux symboles masculins et note : « Ayant grandi en tant qu’homme, j’essaie encore de me débarrasser de toutes ces idées reçues selon lesquelles les femmes sont “sans sexe” (c’est-à-dire qu’elles n’en veulent pas). J’ai vraiment apprécié les photos et les commentaires (j’ai beaucoup appris). Merci de ne pas avoir fait de cet espace un lieu réservé uniquement aux femmes. Je veux savoir ce que mes sœurs ressentent. » En sortant la sexualité lesbienne du placard et en l’exposant au regard et aux commentaires du public, Kiss & Tell poursuit son objectif de lutter contre l’invisibilité lesbienne.
