En Télécharger le livre Tous les livres d’art Accueil

À la maison en permission 1915

À la maison en permission

Marion Long, Home on Furlough (À la maison en permission), 1915
Fusain sur papier, 28,7 x 18,6 cm
Art Gallery of Hamilton

En 1915, dans The Canadian Magazine of Politics, Science and Literature, Marion Long (1882-1970) publie trois dessins qui jettent une nouvelle lumière sur la Première Guerre mondiale en présentant le point de vue d’une femme. Ces images s’adressent sans doute à des lectrices intéressées davantage à l’impact du conflit sur la sphère domestique qu’aux événements survenant sur des champs de bataille étrangers, loin de leur expérience intime.

 

Marion Long, Looking at the War Pictures (Regarder les photos de guerre), 1915, fusain sur papier, 40,8 x 32 cm, Art Gallery of Hamilton.
Marion Long, Killed in Action (Tué au combat), 1915, fusain sur papier, 27,1 x 18,1 cm, Art Gallery of Hamilton.

À la maison en permission représente une mère assise sur une chaise, le regard amoureux posé sur son mari en uniforme, qui nous fait dos. Celui-ci tient leur bébé blotti au creux de son bras gauche, pendant qu’à sa droite, sa fillette lui tend les bras. Un autre dessin de cette même série, Looking at the War Pictures (Regarder les photos de guerre), 1915, montre une mère et sa fille en train d’observer des photographies de guerre dans une vitrine, probablement celle d’un bureau de presse ou d’un marchand de journaux. Dans Killed in Action (Tué au combat), 1915, la silhouette d’une femme debout, la nuque inclinée, se dessine dans l’embrasure d’une fenêtre. Elle se prend la tête entre les mains et, à ses pieds, git le télégramme annonçant la tragique nouvelle. Ensemble, ces trois images racontent l’expérience de nombreuses femmes : la rare visite du mari à la maison (s’il n’est pas encore parti outre-mer), la consultation quotidienne des communiqués militaires et ce profond déchirement du cœur lorsque les mauvaises nouvelles arrivent.

 

Les images de Long contrastent avec les affiches et l’art de guerre officiel, qui accordent aux femmes des rôles de soutien relatifs aux activités militaires pendant le conflit. Women Making Shells (Femmes fabriquant des obus), 1919, d’Henrietta Mabel May (1877-1971), par exemple, montre des travailleuses assumant les tâches des hommes dans une usine d’armement. La perspective des femmes sur la guerre est rarement représentée dans l’art militaire canadien et ne fait qu’exceptionnellement l’objet de publications ou d’expositions. Pendant la Première Guerre mondiale, cependant, l’illustration de magazines fournit aux femmes artistes une importante occasion de s’exprimer alors que de nombreux artistes masculins sont expatriés.

 

Comme Long, Paraskeva Clark (1898-1986) croit que la seule véritable histoire de guerre – chez elle, la Seconde Guerre mondiale – survient dans les foyers. À l’époque, elle accepte une commande de guerre officielle et représente des aviatrices en uniforme, mais son Self-Portrait with Concert Program (Autoportrait avec programme de concert), 1942, offre un point de vue fort différent, qui trahit avec sensibilité son inquiétude pour sa famille russe. De même, la fragile protagoniste de The Soldier’s Wife (La femme du soldat), 1941, d’Elizabeth Cann (1901-1976), illustre le fait implacable que la violence de la guerre n’épargne personne, pas même la femme loin des combats, pour qui la menace n’est pas intangible, mais plutôt très concrète, proche et terrifiante.

 

Télécharger Télécharger