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Femmes fabriquant des obus 1919

Femmes fabriquant des obus, 1919

Henrietta Mabel May, Women Making Shells (Femmes fabriquant des obus), 1919
Huile sur toile, 182,7 x 214,9 cm
Collection Beaverbrook d’art militaire, Musée canadien de la guerre, Ottawa

La grande toile atmosphérique d’Henrietta Mabel May (1877-1971), Femmes fabriquant des obus, représente une usine d’obus bruyante et emplie de machines située à Montréal. En 1918, lorsque le Fonds de souvenirs de guerre canadiens (FSGC) commande à May une peinture sur le travail des femmes dans le domaine des munitions, les organisateurs lui obtiennent l’autorisation de réaliser des croquis dans les ateliers Angus du Canadien Pacifique et dans l’usine de la Northern Electric. Comme elle fait partie de l’élite de la scène artistique montréalaise et qu’elle est reconnue pour ses paysages industriels et ses scènes portuaires, le sujet du travail des femmes en temps de guerre s’accordait bien avec ses compétences et ses intérêts.

 

Bien que de nombreuses femmes soient employées dans des usines avant la guerre, après son déclenchement, environ 12 000 femmes s’engagent dans le secteur des munitions et deviennent alors les travailleuses de guerre les plus visibles. Les représentations de ces ouvrières sont vite populaires, elles apparaissent dans les films, les photographies, la propagande imprimée et l’art. Le travail présentait de sérieux dangers, en raison des produits chimiques. De nombreuses femmes sont tombées malades de la jaunisse toxique résultant de l’exposition au Trinitrotoluène, un produit chimique utilisé dans la fabrication des obus qui jaunissait leur peau, affectait la couleur de leurs cheveux et provoquait des lésions au foie.

 

Dorothy Stevens, Munitions – Heavy Shells (Munitions – obus de gros calibre), v.1918, encre sur papier, 39,6 x 48,6 cm, collection Beaverbrook d’art militaire, Musée canadien de la guerre, Ottawa.

Femmes fabriquant des obus témoigne de l’influence du courant impressionniste sur l’artiste : la lumière dispersée et la texture du pinceau mettent en valeur son sujet et relient le tableau aux œuvres de guerre d’Halifax telles que Convoi dans le bassin de Bedford, v.1919, d’Arthur Lismer (1885-1969) et The Convoy (Le convoi) et The Entrance to Halifax Harbour (L’entrée au port d’Halifax), toutes deux produites en 1919 par A. Y. Jackson (1882-1974). Ces toiles de guerre renforcent la thèse selon laquelle, par leur esthétique novatrice, les œuvres de guerre réalisées au pays par des artistes canadiens se démarquent de celles peintes outre-mer, qui résultent généralement d’une démarche plus documentaire. On peut dire que pour Jackson, le décor d’Halifax, avec ses eaux ondulantes et réfléchissantes, ses grands ciels encadrant des navires peints éblouissants, a favorisé une approche picturale plus moderne, contrairement aux champs de bataille aplatis et détrempés par la boue sous des cieux lourds, qui rappellent les toiles lugubres de l’École de La Haye, si populaires dans les cercles de collectionneurs canadiens d’avant-guerre.

 

Outre le mandat confié à May, le FSGC passe des commandes sans précédent en lien avec la Première Guerre mondiale à trois femmes artistes, et ce, même si les autorités refusaient qu’elles travaillent à l’étranger, jugeant de tels voyages trop dangereux pour une femme. Frances Loring (1887-1968) et Florence Wyle (1881-1968) ont sculpté une paire de figures et treize autres individuelles incarnant des ouvriers d’usine de munitions ou des travailleurs agricoles, lesquelles ont ensuite été coulées en bronze. Dorothy Stevens (1888-1966), elle, a réalisé des gravures à partir de ses dessins d’une première usine d’avions de Toronto et d’une seconde, de munitions – notamment, Munitions – Heavy Shells (Munitions – obus de gros calibre), v.1918, qui représente des femmes au travail dans une fabrique d’armement.

 

 

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