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Tashme au crépuscule, juillet/août 1944 1944

Tashme au crépuscule, juillet/août 1944, 1944

Kazuo Nakamura, Tashme at Dusk, July/August 1944 (Tashme au crépuscule, juillet/août 1944), 1944
Huile sur carton, 34,6 x 53 cm
Collection privée

Kazuo Nakamura (1926-2002) n’a que dix-huit ans lorsqu’il peint Tashme au crépuscule au camp japonais de Tashme, près de Hope, en Colombie-Britannique, où il est interné. L’œuvre représente le camp la nuit, entouré de montagnes. Seules quelques lueurs dans le ciel lointain et l’éclairage jaune émanant des cabanes confèrent de la luminosité à cette scène sombre, tout à la fois belle et oppressante.

 

Camp de Tashme, v.1940-1949, photographe inconnu, Japanese Canadian Research Collection, Livres rares et collections spéciales, Bibliothèque de l’Université de la Colombie-Britannique, Vancouver.
Tom Thomson, The Jack Pine (Le pin), 1916-1917, huile sur toile, 127,9 x 139,8 cm, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque les tensions entre le Canada et le Japon s’intensifient, environ 22 000 Canadiens japonais se font confisquer leurs biens, expulser de leur foyer et envoyer de force dans des camps d’internement, où on les considère ennemis étrangers, et ce, même si nombre d’entre eux sont nés au Canada. En 1942, Nakamura et sa famille se voient contraints de quitter leur logis de Vancouver avant d’être transférés à Tashme, camp dans lequel le futur peintre travaillera le jour à couper du bois et à débroussailler. Déjà intéressé par l’art, il achète ses fournitures dans les catalogues de Simpson et d’Eaton. Bien qu’il ne puisse peindre qu’en fin de journée, l’art répond à un besoin vital d’évasion. Œuvre nocturne, Tashme au crépuscule paraît fidèle à la vision du camp qui a inspiré l’artiste, mais n’en demeure pas moins émouvante – notamment parce que le pin du côté droit de la composition fait écho au pin robuste dans The Jack Pine (Le pin), 1916-1917, de Tom Thomson, tableau découlant lui-même de la guerre, en l’occurrence de la Première Guerre mondiale.

 

Nakamura quitte Tashme et s’établit à Hamilton, en Ontario, quelques mois seulement après l’achèvement de cette peinture : il n’y retournera pas avant 1986. Dans sa nouvelle maison, il continue de travailler le jour et de peindre la nuit. Aussi n’est-il pas surprenant de retrouver l’atmosphère mélancolique qui imprégnait Tashme au crépuscule dans Hamilton (Nuit tombante, Hamilton), 1945. Trois ans après la réalisation de cette dernière, Nakamura commence à suivre des cours à la Central Technical School de Toronto, où, influencé par l’art moderne, il peint des paysages plus abstraits. Ses peintures attirent l’attention d’un public qui s’élargit progressivement, et il devient membre du célèbre Groupe des Onze. La sécurité assurée par la ville de Toronto lui permet la rencontre d’autres jeunes artistes et architectes canadiens japonais aux prises avec les expériences passées de la guerre, dont Raymond Moriyama (né en 1929).

 

Moriyama vit lui aussi son adolescence dans un camp d’internement japonais en Colombie-Britannique, à Slocan. En des temps incertains et sachant déjà qu’il veut devenir architecte, il se fabrique une cabane dans un arbre, un endroit où il se sent en sécurité. À la fin de la guerre, comme les Nakamura, il s’installe avec sa famille à Hamilton. Moriyama mènera une brillante carrière d’architecte : il sera reconnu pour de nombreux grands projets, dont des musées et des ambassades. La conception du nouveau Musée canadien de la guerre, qui ouvrira ses portes en 2005, ravive ses souvenirs de guerre. L’instabilité et le souvenir de son refuge font partie intégrante de l’esthétique du musée – ils s’expriment notamment par la prédominance des sols irréguliers et par l’asymétrie des fermes de toit de la salle de la Régénération de Moriyama, qui rappellent celles d’une cabane dans un arbre.

 

Raymond Moriyama, Musée canadien de la guerre, 2005, béton et acier renforcé, 440 000 m2, Ottawa. 
Norman Takeuchi, Tashme, 2006, de la série A Measured Act (Un acte mesuré), acrylique, crayon Conté et photographie imprimée sur papier façonné, 148 x 132 cm, collection Beaverbrook d’art militaire, Musée canadien de la guerre, Ottawa.

 

L’expérience de l’internement des Canadiens japonais continue de se refléter dans l’art canadien, comme en témoigne également l’œuvre Tashme, 2006, de Norman Takeuchi (né en 1937), qui a lui aussi vécu le traumatisme des camps d’internement. Reprenant la forme d’un kimono, vêtement japonais emblématique, l’œuvre de Takeuchi nous invite à réfléchir au rôle qu’a joué l’internement en temps de guerre dans la vie des artistes canadiens japonais.

 

 

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