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Le 29e bataillon d’infanterie avance sur la « zone neutre » 1917

Pendant la bataille de la crête de Vimy, le 29e bataillon d’infanterie avance sur la « zone neutre » malgré le barbelé allemand et le feu nourri des tireurs

William Ivor Castle, 29th Infantry Battalion Advancing over “No Man’s Land” through the German Barbed Wire and Heavy Fire during the Battle of Vimy Ridge (Pendant la bataille de la crête de Vimy, le 29e bataillon d’infanterie avance sur la « zone neutre » malgré le barbelé allemand et le feu nourri des tireurs), 1917
Photographie en noir et blanc, dimensions variables
Bibliothèque et Archives Canada, Ottawa

Malgré son aspect réaliste, la photographie The Taking of Vimy Ridge (La prise de la crête de Vimy) de William Ivor Castle (1877-1947), ancien employé du Daily Mirror anglais, naît de la superposition d’images de trois négatifs, dont deux seulement survivront au temps pour raconter leur histoire et sont connus sous le nom 29th Infantry Battalion Advancing over “No Man’s Land” through the German Barbed Wire and Heavy Fire during the Battle of Vimy Ridge (Pendant la bataille de la crête de Vimy, le 29e bataillon d’infanterie avance sur la « zone neutre » malgré le barbelé allemand et le feu nourri des tireurs). Les explosions dans le ciel proviennent de la première pellicule. Des deux qui subsisteront sont tirées, d’une part, un obus à moitié enterré dans le sol, derrière lequel des soldats traversent le champ de bataille criblé de trous et, de l’autre, deux cadavres à l’air plutôt paisible, gisant dans un paysage bouleversé où des soldats se profilent au loin. La distorsion de l’espace, de la perspective, est caractéristique du collage. Dans l’image composite de Castle, l’échelle des cadavres révèle la manipulation photographique effectuée en chambre noire : leurs corps paraissent trop grands par rapport aux figures qui traversent le champ de bataille derrière eux. L’exercice de collage de Castle aurait probablement échappé à la majorité des spectateurs si elle n’en avait pas été avisée, auquel cas elle aurait simplement perçu la photographie comme un témoignage poignant d’un exploit canadien historique capturé dans des circonstances difficiles.

 

Jeff Wall, Dead Troops Talk [A Vision after an Ambush of a Red Army Patrol, near Moqor, Afghanistan, Winter 1986] (Les troupes mortes parlent [Une vision après l’embuscade d’une patrouille de l’Armée rouge, près de Moqor, Afghanistan, hiver 1986]), 1992, diapositive et cabine d’éclairage, 228,92 x 416,88 cm, The Broad, Los Angeles.

Le composite est imprimé sous la forme d’une imposante image de 3 mètres sur 6, qui a constitué le clou de la deuxième
exposition d’images de guerre canadiennes inaugurée à Londres en juillet 1917, soit trois mois après l’importante victoire canadienne sur la crête de Vimy en avril. Plus que toute autre photographie canadienne de la Première Guerre mondiale, celle-ci révèle à quel point l’authenticité du document photographique n’est pas une préoccupation dominante de la société de l’époque lorsque les autorités fournissent à un public dans l’expectative une image d’une grande bataille à la hauteur de ses attentes. La prise de la crête de Vimy est régulièrement exposée, et bien en vue, dans des expositions officielles de photographies, comme celle de Paris en juin 1918. Lors de la Première Guerre mondiale, les images photographiques sont utilisées pour encourager l’enrôlement et pour partager les victoires et les succès avec la population. Le fait que les photographes soient rarement à proximité de l’action et que les soldats aient l’interdiction de prendre des photos exige de la créativité – et les composites s’imposent comme solution.

 

Une autre photographie composite, Dead Troops Talk [A Vision after an Ambush of a Red Army Patrol, near Moqor, Afghanistan, Winter 1986] (Les troupes mortes parlent [Une vision après l’embuscade d’une patrouille de l’Armée rouge, près de Moqor, Afghanistan, hiver 1986]), 1992, du Canadien Jeff Wall (né en 1946), contraste fortement avec l’image de Castle. Pour sa réalisation, l’artiste travaille avec des acteurs dans un studio, qu’il photographie par petits groupes. Plus tard, au moyen d’un procédé numérique, Wall assemble les tableaux qu’il situe dans un paysage extérieur également simulé. Malgré son aspect réaliste, l’image est tout droit issue de l’imagination du photographe. Dans la réalité, les soldats morts ne parlent pas et ne plaisantent pas entre eux : c’est pourtant ce que l’on voit. Cette photographie peut être interprétée comme une critique de la guerre et de la violence insensée, nonobstant la démarche artistique de Wall diamétralement opposée au travail documentaire : de la même manière, l’image composite de Castle peut représenter un succès canadien de la Première Guerre mondiale même si la scène a été fabriquée.

 

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