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Soldat Roy 1946

Soldat Roy, 1946

Molly Lamb Bobak, Private Roy (Soldat Roy), 1946
Huile sur masonite, 76,4 x 60,8 cm
Collection Beaverbrook d’art militaire, Musée canadien de la guerre, Ottawa

Dans ce portrait peint par Molly Lamb Bobak (1920-2014), artiste de guerre officielle du Canada, la seule femme ayant tenu ce rôle durant la Seconde Guerre mondiale, la sergente – et non la soldate – Eva May Roy brille comme les étagères en arrière-plan, les assiettes et tasses lumineuses sur le comptoir de la cantine, semblant presque phosphorescente. Elle considère le spectateur, son regard évoquant son expérience et la peur, peut-être, renforcée par ses bras croisés. La propagande de recrutement de l’époque mettait l’accent sur la féminité du service militaire des femmes or, ici, Roy affiche une certaine assurance, qualité virile par excellence.

 

Molly Lamb Bobak, Inside the Auxiliary Service Canteen at Amersfoort, Holland (À l’intérieur de la cantine des services auxiliaires à Amersfoort, Pays-Bas), 1945, aquarelle, encre et mine de plomb sur papier, 22,6 x 30,3 cm, collection Beaverbrook d’art militaire, Musée canadien de la guerre, Ottawa.

Le sujet de la toile sera identifié quand une famille pour laquelle la peintre travaille après la guerre contactera le fils de l’artiste, qui communiquera à son tour avec le Musée canadien de la guerre. Roy travaillait comme aide familiale lorsqu’elle s’est enrôlée dans l’Armée canadienne en décembre 1944. Sept mois plus tard, elle a été envoyée en Angleterre, puis à Amersfoort, aux Pays-Bas. Bobak l’a probablement rencontrée à la cantine de cette ville, un endroit qu’elle représente dans Inside the Auxiliary Service Canteen at Amersfoort, Holland (À l’intérieur de la cantine des services auxiliaires à Amersfoort, Pays-Bas), 1945. Quelques rares archives conservées au Musée canadien de la guerre décrivent Roy comme une femme mince, joyeuse, sportive, aimant la danse et la musique, ce qui concorde avec les souvenirs de Bobak. Néanmoins, dans ce portrait, Bobak confère à Roy une stature monumentale qui contraste avec cette description. L’artiste réalise le tableau en 1946, soit un an après leur première rencontre, s’inspirant d’une rapide esquisse. Cela peut expliquer pourquoi elle s’est trompée sur le grade de la militaire.

 

Très peu de représentations de soldats canadiens de couleur figurent dans la Collection d’œuvres canadiennes commémoratives de la guerre et, parmi celles qui s’y trouvent, ce n’est qu’exceptionnellement si on connaît l’identité de leurs sujets, une réalité attribuable à leur grade, généralement inférieur, à l’absence de nom complet retenu et à l’accessibilité limitée des archives militaires de la Seconde Guerre mondiale. C’est ce dont témoigne, par exemple, le sujet de Trooper O.G. Govan (Cavalier O. G. Govan), 1941, de l’artiste d’origine australienne Henry Lamb (1883-1960), dont on ne connaît que les initiales.

 

Bien que Bobak n’ait pas pu voir l’importante toile Un bar aux Folies-Bergère, 1882, d’Édouard Manet (1832-1883) au Courtauld Institute of Art, à Londres, quand elle s’y trouvait – elle a été séquestrée dans le pays durant la guerre –, son Soldat Roy ressemble au chef-d’œuvre français sur le plan de la composition et du style, ce qui porte à croire qu’elle en avait vu une reproduction. En peignant de la sorte, Bobak cherche-t-elle sans doute à évoquer le style des maîtres européens du dix-neuvième siècle qu’elle a étudiés pendant sa formation à la Vancouver School of Art.

 

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