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L’histoire est jalonnée de conflits entre différents peuples et pays rivaux. Le Canada ne fait pas exception : l’art de guerre du pays reflète l’évolution de la société dans ses dimensions culturelle, militaire, politique et sociale au fil de milliers d’années. L’art de guerre, tel que défini dans cet ouvrage, est un concept très large qu’il convient d’appréhender sous la bannière de la culture visuelle plutôt que des beaux-arts. Il se rapporte à toute œuvre d’art ou artefact conçu à la manière d’une réponse créative à un conflit. L’art militaire, autre terme pour désigner l’art de guerre, peut être réalisé par n’importe qui, en employant pratiquement tout type de matériau. Il rassemble la sculpture, les arts graphiques, le cinéma, la photographie et les arts numériques, ainsi que les métiers d’art, l’art textile et la gravure. Toutefois, l’art, comme l’histoire, favorise généralement le récit des vainqueurs, de sorte que jusqu’à récemment, la majeure partie de l’art de guerre canadien reflétait les traditions et les genres artistiques occidentaux, au détriment des expressions autochtones. Ce livre tente de rétablir l’équilibre.

 

À l’exception de quelques exemples d’art rupestre et autres artefacts anciens façonnés par les peuples autochtones de partout au pays, peu d’œuvres d’art de l’époque précoloniale subsistent aujourd’hui. À l’époque coloniale, des peintures et des dessins de style européen, à la fois documentaires et dramatiques, toujours plus nombreux, sont réalisés en Nouvelle-France et en Amérique du Nord britannique, aboutissant à une floraison de créations dans tous les moyens d’expression pendant les Première et Deuxième Guerres mondiales. Aujourd’hui, l’art créé en réponse aux conflits contemporains permet aux artistes de remettre en question, d’appuyer ou encore de s’opposer à des guerres dans lesquelles le Canada ne joue aucun rôle, comme en Irak, ou à des initiatives militaires et de rétablissement de la paix menées par le Canada dans de nombreux pays, notamment en ex-Yougoslavie et en Afghanistan. De nos jours, l’omniprésence du numérique permet la création d’un corpus visuel sans précédent pour rendre compte de la guerre, ce qui contraste de façon spectaculaire avec la quasi absence d’images témoignant des premiers conflits qui se sont déroulés au pays.

 

L’art de guerre est un sujet difficile à étudier au Canada car il ne connaît pas la longue tradition que l’on trouve en Europe et dans quelques autres pays. L’étude de l’art militaire canadien est, en comparaison, un exercice fragmentaire. Sans compter que l’art et l’histoire militaire du pays sont déséquilibrés en termes de qualité et de quantité. Les objets fournissent des preuves matérielles des conflits qui ont eu lieu au fil du temps, mais ils ne constituent pas un dossier complet ni une chronologie exacte. Ils racontent plutôt leurs propres histoires sur la relation entre la guerre et l’art : par exemple, l’allégorie du Mémorial national du Canada à Vimy de Walter S. Allward (1874-1955), inauguré en 1936, s’épanche sur le deuil national d’après-guerre au Canada, mais évoque peu la tragique bataille de la crête de Vimy de 1917. Dès lors, devant une œuvre d’art, le public doit tenter de comprendre sa visée et son sens historique véritables, mais aussi sa pertinence dans le contexte actuel.

 

Walter S. Allward, Mémorial national du Canada à Vimy, 1921-1936, calcaire de Seget et béton, Parc Mémorial Canadien, Chemin des Canadiens, Vimy, France.

À quelques exceptions près, la plupart des œuvres d’art de guerre au Canada sont conservées dans des musées d’histoire plutôt que dans des musées d’art, et beaucoup les considèrent comme une représentation fiable de l’histoire. Cette tendance était déjà à l’avant-scène lorsque le Musée des beaux-arts du Canada a transféré, en 1971, la quasi-totalité de sa collection d’art militaire officiel au Musée canadien de la guerre. Le MBAC n’a conservé que quelques pièces qu’il considérait comme de l’art plutôt que de l’histoire; ce faisant, il n’a pas tenu compte du fait qu’une œuvre d’art est rarement objective, et qu’elle reflète plutôt le point de vue de l’artiste, ses préoccupations formelles, son imagination, sa mémoire et ses influences culturelles et sociétales. Pour l’essentiel, tout ce que l’art de guerre peut faire, c’est contribuer à rapprocher le public d’une perspective du conflit, et non d’une image du conflit lui-même. Ce livre s’inscrit dans le même esprit.

 

L’art de guerre au Canada met en lumière un éventail impressionnant d’artistes et d’œuvres. Les deux premiers chapitres – « Aperçu historique » et « Œuvres phares » – couvrent chacun trois périodes principales, avec un accent inévitable sur les œuvres remarquables de l’art de guerre canadien des deux guerres mondiales. La première période traite de la production artistique de la période pré-contact jusqu’à la guerre des Boers (1899-1902) et se penche sur les objets d’art autochtones et sur l’art militaire colonial de la Nouvelle-France et de l’Amérique du Nord britannique. La deuxième période, la plus vaste et la plus riche en images de tout le livre, met en lumière l’héritage créatif important et influent de la Première et de la Seconde Guerre mondiale (1914-1945) et présente les programmes d’art privés et officiels (le Fonds de souvenirs de guerre canadiens et la Collection d’œuvres commémoratives de la guerre) qui, ensemble, ont mené à la production de quelque six mille œuvres d’art. La troisième période se poursuit avec deux autres programmes d’art de guerre parrainés par le gouvernement, le Programme d’aide des Forces canadiennes aux artistes civils établi pendant la guerre froide et l’actuel Programme d’arts des Forces canadiennes; elle porte sur les années d’après-guerre et l’époque contemporaine jusqu’à aujourd’hui. Les troisième et quatrième chapitres de ce livre – « Questions clés » et « Principaux moyens d’expression » – approfondissent ces analyses. Les « Questions clés » traitent des thèmes suivants, dans le contexte de l’art militaire et des conflits : l’art de guerre officiel, les expositions, les monuments commémoratifs, l’identité, les femmes, la représentation autochtone, la propagande, la protestation, la violence et la religion. Les « Principaux moyens d’expression » décrivent les disciplines et pratiques associées à l’art de guerre : peinture, sculpture, estampe et dessin, affiche, photographie, film et vidéo. Dans l’ensemble, ces chapitres déclinent une perspective nouvelle sur la relation profonde et souvent bouleversante que le pays entretient avec le combat.

 

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