Claudie Gagnon (née en 1964)

Claudie Gagnon, Les époux Arnolfini, tiré du cabaret de tableaux vivants Dindons et limaces, 2008
Tableau vivant mettant en scène deux interprètes, scène et accessoires (costumes, lustre et miroir)
Musée national des beaux-arts du Québec, Québec
Native de Montréal, Claudie Gagnon est une artiste autodidacte qui adopte Québec comme lieu de création et de vie, dès l’âge de vingt ans, en s’investissant dans le réseau des centres d’artistes autogérés de la capitale. Elle est l’une des co-fondatrices de L’Œil de Poisson en 1985, qui rassemble la relève sous les auspices de nouvelles pratiques décloisonnées, caractéristiques de l’art contemporain à Québec. Artiste de l’installation et du tableau vivant, mais aussi de la photographie et de la vidéo, Gagnon exemplifie cette pratique décomplexée qui abolit les frontières entre les arts. L’œuvre Les époux Arnolfini, tirée du cabaret de tableaux vivants Dindons et limaces, 2008, en est un exemple éloquent.


Gagnon produit cette œuvre en 2008, en répondant à une commande du Musée national des beaux-arts du Québec, dans le cadre de l’exposition d’art contemporain célébrant le 400e anniversaire de la ville de Québec, C’est arrivé près de chez vous, qui l’invite à créer un spectaculaire cabaret de tableaux vivants. Dans ce projet, Gagnon entreprend de théâtraliser la peinture en s’inspirant des tableaux célèbres du canon de la peinture occidentale – de Jan van Eyck (1390-1441), Jérôme Bosch (v.1450-1516) ou Francisco Goya (1746-1828), parmi d’autres – qu’elle évoque en faisant cohabiter l’enchantement et l’étrangeté, la beauté et la laideur, le présent et le passé. Les époux Arnolfini, d’après le célèbre tableau de Van Eyck de 1434, rend compte de ces dualités. Ces photographies gardent aujourd’hui la trace du tableau vivant.
La pratique de Gagnon allie à la fois l’artisanat et les arts visuels. L’artiste fabrique chaque composante de son œuvre, de la confection des vêtements aux éléments du décor, tout comme elle conçoit la mise en scène, mais aussi la photographie qui en résulte. Son imagerie est redevable à la peinture, mais nécessite une préparation qui l’ancre dans un travail de confection largement tributaire de l’artisanat.


Si les présentations théâtralisées inspirées de toiles célèbres portent la signature de Gagnon, il en va de même de ses installations baroques, de véritables bric-à-brac d’objets recyclés et bon marché qui sont réinvestis et donnent l’illusion du luxe et l’artificialité. À cet égard, Lustre, 2008, évoque l’objet précieux d’une époque révolue par l’accumulation clinquante d’objets de pacotille – perles, tasses, coupes, flacons, bibelots et objets-souvenir – qui suggèrent le lustre du cristal, et en reprennent la forme et la disposition, suspendue au plafond. Gagnon critique par de telles œuvres le consumérisme et l’accumulation dont souffrent nos espaces de vie.
Les œuvres de Gagnon rayonnent sur la scène canadienne et internationale. En 2007 et 2009, sa pratique fait l’objet d’une exposition rétrospective et d’une monographie préparée par l’historienne de l’art Mélanie Boucher. En 2021, Gagnon reçoit le Prix Videre, une reconnaissance décernée par la Ville de Québec pour l’excellence en culture.