Jocelyne Alloucherie (née en 1947)

Jocelyne Alloucherie, Climats, terre de sang, détail, 2010
Dix scannophotographies, quatre modules architecturaux, bois, caséine, laque, 152 x 240 cm chacun
Jocelyne Alloucherie est une artiste de l’installation dont les œuvres allient des éléments de sculpture, d’architecture et de photographie. Elle est formée à l’École d’art de l’Université Laval à Québec de 1970 à 1973, puis à l’Université Concordia à Montréal, où elle obtient une maîtrise en arts visuels en 1981. Elle partage sa vie professionnelle entre une pratique artistique féconde et l’enseignement universitaire dans la capitale, pendant plus de trente ans.
Native de Québec, elle reconnaît à ses lieux d’enfance et de vie adulte la nordicité que manifeste son art : la grisaille à laquelle s’accrochent brumes et brouillards, l’écoulement de l’air qui tempête ou tourbillonne, la lumière qui découpe en masses franches des ombres aux architectures monumentales. Ces images évocatrices traversent les œuvres épurées et monumentales d’Alloucherie, comme l’installation Dédale, 2013, qui déploient leur puissance dramatique sous forme de récits conceptuels faits de photographies noir et blanc, de vidéos et de piliers minimalistes.

Déjà, dans les œuvres sculpturales de la série Les déserts de 1999, dont Œuvres de sable (Les déserts no 3), l’artiste compose des paysages, âpres et fragiles, grâce à son souffle projeté sur des petits amoncellements de sable rouge, blottis dans l’échancrure d’imposants blocs monolithiques blancs. Lorsqu’elle transpose ses images paysagères sur des impressions numériques à grande échelle, ou sur écran vidéo, Alloucherie en délimite l’approche avec des éléments volumétriques qui composent une armature architecturale – comme dans l’installation Climats, terre de sang. S’y déploient de vastes modules blancs en forme de U, qui rythment l’expérience visuelle et accompagnent des images paysagistes accrochées au mur. Ces modules « comme par mimétisme […] s’apparentent au cadre bâti. En même temps, ils pourraient faire obstacle au regard du visiteur ou au contraire lui servir de viseur, de cadreur ».
Dans l’installation vidéo Dédale l’artiste est inspirée par les ruelles, les arrière-cours, les arrière-fonds de l’espace urbain, ces vestiges qui ont formé l’épine dorsale des constructions des villes. Ce triptyque vidéographique projette le calme et le silence des ruelles, non de Québec, mais de Montréal, la silhouette d’un passant, le linge qui pend à une corde, des arbres, des murs. La bande sonore a supprimé les bruits des automobiles pour ne conserver qu’une respiration naturelle du bruissement du feuillage des arbres, du chant des écureuils, et quelques voies humaines en sourdine. D’imposants modules blancs, rappelant ceux des œuvres antérieures, encadrent les images de cette œuvre étrange et envoûtante qui dénature les ruelles urbaines tout en les sublimant.
Les œuvres d’Alloucherie s’inscrivent au croisement de la sculpture, de la photographie et des pratiques installatives, et sont évocatrices, jouant de subtilité dans leurs effets, entre l’ombre et la lumière, le plein et le vide, le robuste et le fragile, le petit et le monumental. C’est de cette manière que l’artiste acquiert la reconnaissance au pays et à l’international, une voie qui s’amorce pour elle à Québec, avec une première exposition personnelle d’une œuvre d’installation sur sable, en 1973, au Musée du Québec (aujourd’hui le Musée national des beaux-arts du Québec). D’innombrables expositions individuelles et collectives suivront en Amérique, en Europe, et en Asie. Alloucherie a obtenu plusieurs prix reconnaissant son travail, notamment le prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques du Conseil des arts du Canada en 2000 et le prix Paul-Émile-Borduas en 2002. L’artiste québécoise est lauréate de l’Ordre du Canada en 2008.