Marie Lemaire des Anges (1641-1717)

Attribué à Marie Lemaire des Anges (née Marie Lemaire) et l’atelier des Ursulines de Québec, Parement d’autel dit de la Nativité, seconde moitié du dix-septième siècle
Fil de laine et de soie polychrome, filé et frisé or et argent avec lame, cannetille et paillettes, filé riant avec âme de soie, dentelle aux fuseaux avec filé, frisé et lame d’argent, et détrempe sur soie (médaillon), 95 x 261 x 4 cm
Musée des Ursulines de Québec, Pôle culturel du monastère des Ursulines, Québec
Les travaux des brodeuses ne sont pas signés. Toutefois, parmi les quarante-sept pièces qui ornent les tombeaux d’autels de pierre des chapelles et églises du monastère des Ursulines depuis le dix-septième siècle, le Parement d’autel dit de la Nativité, seconde moitié du dix-septième siècle, laisse voir la contribution hors du commun, à Québec, de la religieuse Marie Lemaire des Anges, née Marie Lemaire. Telle une « peinture à l’aiguille », l’œuvre textile révèle une magnificence qui provient de son fond lumineux et brillant, constitué de perles de verre et d’une couchure au fil d’argent qui fait ressortir la richesse des motifs brodés. Le décor est agrémenté de fleurs naturelles et variées, ainsi que de motifs brodés en haut-relief pour l’encadrement du médaillon et les cornes d’abondance chargées de fruits. La profusion ornementale de motifs végétaux, de volutes et d’arabesques, de même que la scène de la nativité du médaillon, peinte à la détrempe d’après une estampe française, témoignent du raffinement technique auquel est parvenu l’art de la broderie en Europe, et qui se développe à Québec sous l’aiguille de Marie Lemaire des Anges.


La brodeuse française est forte d’un savoir-faire exceptionnel qu’elle tire de son milieu familial, à proximité du Palais du Louvre à Paris et des ateliers de broderie où son père tenait boutique. L’apprentissage des travaux d’aiguille faisant partie de l’éducation offerte à toute jeune fille de classe aisée, Marie Lemaire en bénéficie et perfectionne son art chez les Ursulines, où elle est admise à l’âge de treize ans comme pensionnaire pour prononcer ses vœux en 1657.
À son arrivée en Nouvelle-France en 1671, Marie Lemaire des Anges met sur pied un atelier qui atteint des sommets dans l’exécution des ornements liturgiques. Elle bénéficie d’un appui financier de sa famille et d’influents dévots qui font des dons de matières riches et raffinées (satin, velours de soie, moire; fils de soie, d’argent et d’or) en provenance de la métropole parisienne. C’est la fondatrice du couvent des Ursulines, Marie de l’Incarnation (1599-1672), qui a inauguré la pratique de la broderie dans la colonie, comme en témoigne le Parement d’autel dit de l’éducation de la Vierge, seconde moitié du dix-septième siècle, qui lui est attribué.
Grâce à Marie Lemaire des Anges, qui ne quittera plus Québec, l’art de la broderie connaît un âge d’or auquel contribue une trentaine de religieuses jusqu’au dix-huitième siècle. Les parements d’autel et les vêtements d’église – chapes, chasubles et dalmatiques assorties de leurs accessoires – sont conçus et élaborés en phase avec le culte des saints, l’utilisation des reliques et les miracles, des dévotions qui animent la ferveur mystique des catholiques.