Giorgia Volpe (née en 1969)

Giorgia Volpe, La dérive, 2008
Polypropylène, dimensions variables
L’image ci-dessus est une vue d’installation de l’œuvre La dérive dans l’exposition C’est arrivé près de chez vous au Musée national des beaux-arts du Québec, 2008-2009.
Québécoise originaire de Sao Paulo, au Brésil, Giorgia Volpe obtient son baccalauréat en enseignement des arts plastiques avant de poursuivre ses études de maîtrise à l’École d’art visuel de l’Université Laval à compter de 1998 jusqu’en 2001. Ce cheminement l’amène à faire de Québec sa ville d’adoption, et elle y laisse une importante empreinte par la création d’œuvres in situ qui marquent différents lieux de la capitale. Artiste multidisciplinaire, Volpe développe une pratique en performance et en installation multimédia et commence à se faire connaître au sein des espaces de la coopérative Méduse, haut lieu de l’art actuel et expérimental de la capitale. En 2008, elle compte parmi la cinquantaine d’artistes invité·es à célébrer le 400e anniversaire de la ville dans une exposition intitulée C’est arrivé près de chez vous, organisée par le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). Elle présente l’installation La dérive qui met en scène, pour la première fois, le motif du canot de taille réelle qui deviendra emblématique de son art.

La préparation à l’exposition de 2008 coïncide avec la fin de la campagne électorale générale provinciale, qui laisse d’abondantes pancartes électorales en polypropylène ondulées, désormais obsolètes, dans le paysage urbain. C’est le matériau que recycle Volpe pour La dérive. Le canot est échoué sur une surface faite du même matériel qui le compose, c’est-à-dire un tissage de lanières découpées dans le plastique des pancartes qui puise dans les techniques de vannerie traditionnelles. « Très pertinente dans l’actualité du moment, l’installation pointe la vanité des promesses des politiciens qui nous mènent en bateau, ce qui évoque aussi le folklore québécois, la chasse-galerie, l’humour se mêlant ici à des questions de résistance et d’appartenance politiques. »
Huit ans plus tard, cette œuvre politique décline sa riche polysémie dans une installation percutante de Volpe qui occupera le paysage de la ville. Passage migratoire no 1 et no 2, 2016, comptent plus d’une dizaine de canots. Fidèle à ses habitudes, Volpe réinvestit « des éléments d’œuvres antérieures dans de nouvelles. Il ne s’agit pas d’une suite, mais véritablement de recyclage, toujours en dialogue avec le contexte dans lequel le travail est présenté. D’une certaine façon, il y a dans la résistance une idée de persistance, de répétition, de recyclage. […] Il permet de résister à la société de consommation, de composer avec une situation telle que la récession, la pauvreté ou la surproduction de déchets. » En 2016, la flottille est suspendue à la verticale dans l’espace ouvert sur le fleuve au-dessus d’une rue de la place Royale dans le quartier Petit-Champlain de Québec. Ces bateaux font écho à ceux accrochés au plafond de l’église Notre-Dame-des-Victoires, dont plusieurs sont des ex-voto fabriqués avec soin pour assurer aux marins la protection divine.

La démarche artistique de Volpe révèle des habiletés qui tiennent du savoir-faire traditionnel – notamment associés aux arts textiles, la broderie, le tissage et le tressage –, mais aussi de la récupération et de la transformation de matériaux industriels en objets esthétiques. Souvent inscrites dans l’espace urbain, ces œuvres supposent également un processus d’échange avec l’autre, qu’il soit passant, visiteur ou voisin.
À Québec, en 2023, c’est à la consommation de plastique à usage unique qu’invite à réfléchir Volpe. Le musée de l’eau, 2023-2024, une pièce déployée dans les sentiers du parc linéaire de la Rivière-Saint-Charles, est une sorte de cabinet de curiosité de bouteilles mystérieuses, sur lesquelles sont inscrites des expressions reliées à l’eau (eau vive, eau de source, eau du lac, eau d’érable). La ville a invité l’artiste à concevoir une œuvre qui favoriserait une prise de conscience sur les usages abusifs des bouteilles de plastique à Québec. Volpe rassemble les bouteilles de verre aux airs précieux, ancêtres des spécimens de plastique, qu’elle place sous verre, avec un éclairage judicieux qui leur donne l’apparence de lanternes. Conscience environnementale et poésie marchent ici main dans la main.
Volpe a participé à plus d’une centaine d’expositions, interventions publiques et résidences d’artiste au Brésil, à Cuba, au Canada, aux États-Unis, au Mexique, en Thaïlande et d’autres pays. Ses œuvres font partie de nombreuses collections publiques et privées, dont celles du MNBAQ, de la Collection Loto-Québec et du Musée d’art moderne de São Paulo (Brésil).