Jean Paul Lemieux (1904-1990)

Jean Paul Lemieux, croquis préparatoire pour « Québec (projet de peinture murale) », 1949
Huile sur carton à l’enrouleuse, 25,4 x 101,6 cm
The Royal Collection, Royaume-Uni
Le peintre Jean Paul Lemieux est indissociable de l’histoire de l’art de la ville de Québec, où il naît en 1904 et où il choisit de vivre, d’enseigner, de pratiquer son art, en plus de se faire connaître comme critique d’art. Son attachement à la capitale est indéfectible. En 1950, aux Concours artistiques de la province de Québec, il soumet un projet de peinture murale qui prend la ville pour sujet. La cinquième édition de cette compétition annuelle met l’accent sur les arts décoratifs et réunit quatre-vingt-dix œuvres récentes dans une exposition organisée au Musée de la province de Québec (aujourd’hui le Musée national des beaux-arts du Québec). Le croquis préparatoire pour « Québec (projet de peinture murale) » montre une vue panoramique de la ville traitée à la manière primitiviste et narrative qui caractérise la peinture de Lemieux dans les années 1940.

La composition se déploie à l’horizontale et met en valeur la géographie particulière de Québec, avec la Basse-Ville bordée par le fleuve, et la Haute-Ville, cernée de remparts. L’accumulation et l’organisation savante de détails anecdotiques engagent l’œil de l’observateur dans les moindres recoins de l’image et donnent à voir la vie qui bat au cœur de l’hiver québécois.
Lemieux défend l’art mural, préoccupé par la démocratisation et l’accessibilité de l’art. Après la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), l’art mural devient une voie pour contrer la précarité éprouvée par les artistes. « Québec (projet de peinture murale) » ne remporte pas de prix aux Concours artistiques, mais connaît une destinée « royale » en 1953, lorsque le Régiment de la Chaudière l’offre en don à Sa Majesté Elizabeth II à l’occasion de son couronnement, le 2 juin 1953.
Issu d’un milieu de commerçants prospères, Lemieux grandit dans la capitale en passant ses étés à la Kent House, élégant hôtel qui surplombe les chutes Montmorency, où il fait la rencontre décisive de la peinture par l’entremise d’un artiste des États-Unis à l’emploi de l’hôtel. Après avoir vécu en Californie et à Montréal, où il étudie et commence à enseigner, Lemieux s’installe à Québec pour y rester. Il enseigne la peinture à l’École des beaux-arts de Québec de 1937 à 1965 et mène une brillante carrière de peintre jusqu’à la fin de sa vie.
La thématique de Québec est omniprésente dans l’œuvre de Lemieux. Dans La Fête-Dieu à Québec, 1944, le peintre relate avec une verve mêlée d’humour les deux visages de la ville, religieux et militaire, qui ont présidé à sa fondation. Empruntant l’espace compact de l’art primitif italien, Lemieux peint la procession liturgique qui défile le 11 juin 1944 de la Haute-Ville vers le fleuve. Dans la composition dépouillée Janvier à Québec, 1965, la ville sert de décor à la solitude humaine, si éloquente dans le froid et la blancheur de l’hiver. Enfin, dans Québec brûle, 1967, Lemieux fait encore appel à la silhouette de Québec lorsqu’il libère sur ses toiles les visions angoissantes qui le tourmentent à l’automne de sa vie. Les scènes tragiques qu’il associe à son admiration pour l’expressionnisme nordique d’Edvard Munch (1863-1944) font de la ville le cadre de visions apocalyptiques et sombres. Québec, comme cadre ou thème principal, traverse toutes les périodes artistiques de Lemieux, depuis les débuts narratifs et primitifs, à la période classique, inspirée du postimpressionnisme, jusqu’à l’expressionnisme des dernières années.