Horatio Walker (1858-1938)

Horatio Walker, Labour aux premières lueurs du jour, 1900
Huile sur toile, 153 x 193,9 cm
Musée national des beaux-arts du Québec, Québec
L’œuvre d’Horatio Walker glorifie la tradition paysanne canadienne-française à une époque où le monde change irrémédiablement. Le gouvernement libéral de Louis-Alexandre Taschereau soutient l’artiste par l’acquisition de ses tableaux pour le nouveau Musée de la province de Québec (aujourd’hui le Musée national des beaux-arts du Québec, MNBAQ), inauguré en 1933. Parmi ceux-ci, Labour aux premières lueurs du jour, considéré comme le chef-d’œuvre de Walker et exposé à New York peu après sa réalisation, est acquis en 1929. Le geste affirmé du paysan qui se découpe dans la lumière naissante de l’aube, l’effort des bêtes et le format imposant contribuent à l’effet spectaculaire de cette œuvre héritière de la tradition réaliste française.
Walker est né à Listowel, dans le Haut-Canada, en 1858. Après des débuts de carrière qui l’amènent de Toronto, en 1873, à New York, en 1876, il établit son atelier à Québec, en 1883, à l’hôtel Clarendon dans la Haute-Ville, puis s’installe la même année à l’île d’Orléans, qui deviendra son domaine artistique et qu’il surnomme « le temple sacré des muses ». Il y fait l’acquisition d’une demeure en 1888, dans la paroisse de Sainte-Pétronille, à la pointe ouest de l’île, où il décide de s’établir pour de bon en 1909, après avoir fait construire un atelier attenant à sa résidence.


« Ontarien d’origine, Horatio Walker a connu le prestige et la notoriété aux États-Unis – plus qu’aucun autre peintre canadien de sa génération –, et ce, avec des œuvres célébrant le terroir de sa province d’adoption [le Québec] ». Au sommet de sa gloire aux États-Unis et en Europe, celui qu’on surnomme le « Millet d’Amérique », d’après le peintre français Jean-François Millet (1814-1875), est le digne successeur des paysagistes de Barbizon et de l’école de la Haye. Ses influences artistiques s’incarnent dans la peinture de J. M. W. Turner (1775-1851), Jean-Baptiste-Camille Corot (1796-1875) et Théodore Rousseau (1812-1867), sans compter Millet bien sûr, dont il étudie soigneusement les scènes paysannes, comme Le semeur, 1850, auquel il répond avec une œuvre comme La traite du matin, 1925.
Excellent dessinateur, maîtrisant plusieurs techniques en dessin (fusain et encre) et en peinture (aquarelle et huile), et pourvu d’un mince curriculum d’études en photographie auprès de John Arthur Fraser (1838-1898) et William Notman (1826-1891) à Toronto, Walker se taille une place enviable auprès des fervents admirateurs de l’art pastoral en vogue en Amérique du Nord entre 1880 et 1930. Son succès est confirmé par son admission dans diverses associations et par l’acquisition de ses œuvres par des musées : en 1911, le Musée des beaux-arts du Canada fait l’acquisition de Bœufs à l’abreuvoir, 1899, et le Metropolitan Museum de New York, du Laboureur à la herse, v.1890-1895.
Peu après la création de l’École des beaux-arts de Québec, en 1922, les élèves les plus méritant·es sont invité·es en fin d’année scolaire à rencontrer le vieux maître dans son domaine de l’île d’Orléans. Sa gloire pâlit après sa mort cependant et son héritage tombe dans l’oubli au cours de la Révolution tranquille, dans les années 1960, jusqu’à ce que le MNBAQ lui assure une renommée posthume en lui consacrant une exposition rétrospective en 1986.